Dîner-débat du 22 avril 2015 Thème : Potentiel minier du Cameroun : comment en faire un levier efficace d’accélération de la croissance ? SYNTHESE La définition, par le Cameroun, d’une ambition d’émergence adossée, entre autres, sur le secteur minier qui présente un potentiel significatif et des avantages compétitifs avérés, a emmené le GICAM à consacrer un dîner-débat à la problématique relative à l’utilisation du potentiel minier pour accélérer la croissance. Identifié comme niche de croissance, le secteur minier peut générer des gains de productivité et des effets d’entraînement importants à court et à moyen terme ; ceci n’étant possible que grâce à des actions d’accompagnement et des mesures incitatives cohérentes et soutenues. L’exploitation du potentiel minier pour favoriser une accélération de la croissance est sous-tendue par le paradoxe entre la richesse du pays en termes de minerais et la relative retombée perceptible par le plus grand nombre. Car des 242 titres miniers, seuls 06 permis d’exploitation ont été octroyés (02 pour l’exploitation du marbre, 01 pour l’exploitation du calcaire destiné à la production du ciment, 01 pour l’exploitation du cobalt, nickel et manganèse, 01 pour l’exploitation du fer de Mbalam et 01 pour l’exploitation du diamant de Mobilong). Face à ce gap, l’on est en droit de craindre la théorie de la « malédiction des ressources naturelles ». Sur le potentiel minier camerounais exploré à près de 40%, avec une ambition des pouvoirs publics de porter ce nombre à 70%, se fondent beaucoup d’espoirs d’atteindre l’objectif de pays émergent à l’horizon 2035. Ce dîner-débat avait donc pour ambition de jeter les bases des réformes nécessaires pour faire du potentiel minier un levier d’accélération de la croissance, de création d’emplois et de création de dynamique économique en aval. Ainsi, il était question de (i) permettre un partage d’informations sur le potentiel minier du Cameroun, (ii) échanger sur les orientations politiques et stratégiques du Cameroun dans le domaine minier, (iii) examiner les contraintes et risques liés à l’émergence d’une industrie minière locale forte et à la hauteur du potentiel existant, (iv) découvrir les opportunités d’investissement dans le secteur minier au Cameroun. Pour introduire les débats, trois intervenants aux fonctions complémentaires ont répondu présents à l’invitation du GICAM: • • • M. Fuh Calistus Gentry, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique ; M. Francis Mailhot, entrepreneur et investisseur québécois ; Mme Agnès Solange Ondigui Owona, coordonnatrice du Secrétariat Technique du Comité ITIE – Cameroun. 1 M. Armel François, vice-président du GICAM, a souhaité la bienvenue au nom du conseil exécutif en excusant l’absence du président André Fotso. Il par ailleurs espéré qu’à l’issue de la rencontre, tous les participants aient une meilleure convergence de vue sur le thème choisi. La modération des échanges a été assurée par le Dr Prosper Hiag, membre du Conseil exécutif du GICAM, président de la commission sociale. D’entrée de jeu, le secrétaire d’Etat (SETAT) auprès du ministre de l’Industrie, des Mines et du Développement Technologique, M. Fuh Calistus Gentry, a relevé la forte suspicion qui règne dans le domaine des mines, non seulement entre les populations et l’Etat, mais aussi entre les populations et les exploitants. Il a également évoqué le dynamisme qui devrait exister entre les différents acteurs intervenant dans le domaine minier. Ses propos seront par la suite orientés sur 03 grands axes. En ce qui concerne le potentiel minier du Cameroun, il a essentiellement passé en revue les différents types de minéraux par une classification qui distingue les métaux de base des minéraux industriels, des substances énergétiques et des matériaux de construction. La richesse du potentiel a été mise en évidence à travers quelques données. Il est à retenir que près de 140 cibles aurifères ont été identifiées sur le territoire, en majorité dans les régions de l’Est, de l’Adamaoua, du Nord, de l’Extrême-Nord, du Sud ; la majorité de ces cibles font l’objet d’une exploitation artisanale. Concernant le diamant, l’on retient que 17 cibles de diamant ont été mises en évidence, notamment sur l’axe Berbérati (RCA),-Yokadouma (Cameroun)-Enyélé (République du Congo) Pour ce qui est des métaux de base, des gisements latéritiques de cobalt, nickel, manganèse ont été identifiés dans la région de l’Est, de l’aluminium à Mini-Martap (1,116 milliards de tonnes), à Ngaoundal (120 millions de tonnes), à Fongo-Tongo (46 millions de tonnes extensibles à 70 millions de tonnes) et à Foumban (428 millions de tonnes). Quant au fer, l’important gisement de Mbalam charrie beaucoup d’espoir ses avec 220 millions de tonnes de minerais riches à plus de 60% de fer, et ses 2,4 milliards de tonnes de minerais moyen entre 25 et 60% de fer ; sans oublier les autres gisements tels celui des Mamelles au Sud et de Nkout. Dans ce même volet, M. Gentry a relevé le potentiel relativement fourni en minéraux industriels (syénite néphélinique, disthène, zircon), substances énergétiques (uranium), matériaux de construction, de viabilisation et d’ornementation (marbre, pierre, argile, calcaire, pouzzolane, sable et gravier rivière). Dans un deuxième temps, le secrétaire d’Etat a entretenu les participants sur le cadre législatif et réglementaire. Il a, en outre, évoqué le fondement du code minier pour indiquer qu’il reposait sur trois options fondamentales : (i) les ressources minières du Cameroun restent et demeurent la propriété de l’Etat qui les gère au nom et pour le compte du peuple camerounais ; (ii) l’ouverture du domaine minier à la libre entreprise et (iii) l’avènement du régime d’autorisation et de permis qui encadre l’activité minière. Ces fondements, du point de vue du SETAT, consacrent le principe de « premier venu premier servi » dans la procédure de délivrance d’un titre minier. Le SETAT a par la suite évoqué les aspects environnementaux et les dispositions financières qui encadrent les détenteurs ou les demandeurs de titres miniers. Il a également précisé que des facilités tant fiscales que douanières étaient octroyées aux opérateurs de la filière, selon qu’ils sont en phase d’exploration ou d’exploitation. 2 En troisième lieu, de manière plus concrète, le SETAT a parlé des projets effectivement exploités par les sociétés minières et ceux développés par le Gouvernement. Dans le cas des opérateurs miniers, il a été relevé que dans la trentaine de substances découvertes : 09 pouvaient être exploitées industriellement (pétrole, gaz naturel, bauxite, fer, rutile, nickelcobalt-manganèse, diamant, eaux minérales, matériaux de construction) ; 03 étaient actuellement exploitées à l’échelle industrielle (pétrole, matériaux de construction, eaux minérales et de source), 03 étaient actuellement exploitées artisanalement (or, diamant et saphir) 02 faisaient actuellement l’objet d’un permis d’exploitation (marbre de Bidzar et de Biou et calcaire de Figuil); 02 étaient en attente imminente de permis d’exploitation (le fer de Mbalam par la société Cam Iron et la bauxite de Minim-Martap et Ngaoundal par la société Cameroon Alumina). En ce qui concerne le Gouvernement, il a été mis en place trois structures d’accompagnement , à savoir : le CAPAM, pour l’encadrement de l’artisanat minier et le renforcement des réserves d’or du Cameroun ; le SNPPK pour la certification du diamant ; le PRECESEM pour le renforcement des capacités des acteurs du secteur minier. En guise de conclusion, le secrétaire d’Etat a relevé la complexité du domaine minier, tout en indiquant que la documentation y relative était disponible pour tous ceux qui souhaiteraient en savoir plus. Par ailleurs, il révèlera que le Cameroun n’est pas encore concerné par le processus de Kimberley, quoi qu’ayant un potentiel important en diamant. A la suite du SETAT, la parole est revenue à M. Francis Mailhot, qui a édifié le public sur les opportunités et les grandes étapes d’un projet minier, à savoir : l’exploration, la mise en valeur et l’exploitation. Selon son modèle, et en fonction du type de mine, la première phase se développerait pendant 03 à 05 ans, la deuxième entre 05 et 08 ans et la troisième entre 05 à 20 ans. M. Mailhot poursuivra en parlant des réactions typiques des marchés de capitaux face aux différentes étapes d’un projet minier. Ces marchés, du fait des spéculateurs, fluctuent suivant les annonces faites par le détenteur du permis et sont caractérisés par une forte valorisation de l’entreprise au niveau de deux étapes : la découverte durant l’exploration et le début de l’exploitation. Dans son exposé, M. Mailhot a énuméré les éléments à considérer lors de l’évaluation d’une mine à explorer. Ces éléments sont essentiellement liés au budget, à la résolution voulue par rapport à la profondeur de la mine (le plus près du sol signifie une meilleure précision) à la superficie à couvrir et à la rapidité nécessaire pour obtenir les premiers éléments recherchés. Il a poursuivi en partageant une expérience d’aménagement de complexe minier du Québec en termes de Statistiques d’investissement, d’apport au PIB, de retombées en termes d’emplois et de revenus distribués dans l’exploration minière. Il a ensuite relevé quelques types de financement appropriés pour le secteur minier. A ce sujet, il a parlé de financements privilégiés (« Early Seed » + marchés des capitaux ), mode de financement caractérisé par un dilemme : « rester privé ou ouvrir son capital » avec des privés à travers une inscription en Bourse. Il a ainsi relevé que l’essentiel dépendait de l’appétit des marchés boursiers et du cycle des matières premières. 3 Afin de stimuler l’intérêt des Investisseurs Internationaux, il a relevé la nécessité de mettre un accent sur quelques axes primordiaux, notamment : (i) avoir une équipe chevronnée pour engager les travaux sur le terrain, (ii) avoir un Conseil d’administration fort et solide, (iii) détenir une solide expérience dans l’industrie et (iv) avoir à disposition de données géologiques fiables. En guise d’illustration de ses propos, l’expert a déroulé un modèle spécifique, celui du générateur de projets. Il est essentiellement caractérisé par (i) une méthode permettant des cibles précises avec décisions relativement rapides, et (ii) la diversification réelle sur plusieurs cibles à haut potentiel géologique. La troisième intervenante, Mme Agnès Solange Ondigui Owona, coordonatrice du Secrétariat Technique du Comité ITIE – Cameroun, a entretenu l’assistance sur les enjeux de la transparence dans le secteur des mines au Cameroun. Elle a, tout d’abord, présenté brièvement L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). L’on retiendra qu’il s’agit plus d’un outil d’aide à la prise de décision par l’Etat qui remonte à 2002 sous l’impulsion de l’ex-Premier Ministre du Royaume-Uni, M. Tony Blair. Cet outil vise la transparence dans la gestion des ressources issues du secteur extractif afin que les revenus que l’Etat en tire contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations. Il s’agit d’un partenariat tripartite entre l’état, les entreprises extractives et la société civile autour d’une plateforme de dialogue pour l’optimisation de la gestion du secteur extractif. L’ITIE est promue par les pays du G8, le Groupe de la Banque Mondiale et des ONG au rayonnement mondial et permet d’encadrer et de « publier ce qu’on paie » Elle a ensuire énuméré les différentes structures de mise en œuvre de l’ITIE au Cameroun, essentiellement composées de décret du Premier Ministre n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 qui crée le comité de suivi de la mise en œuvre des principes de l’ITIE (Comité ITIE); et la décision du ministre en charge des Finances N°002328/MINEFI/CAB du 15 septembre 2005 qui crée le Secrétariat technique, organe de coordination. Quelques dates ont été rappelées aux participants, notamment l’adhésion du Cameroun et la mise en place des structures de mise en œuvre en 2005, l’obtention du statut de pays candidat en 2007 et l’obtention du statut de pays conforme en 2013. Mme Ondigui a mis un accent particulier sur la publication -recommandée par l’ITIE- des rapports qui mettent en exergue les montants des sommes collectées et sa répartition aux communautés ; ce qui apportera une contribution à la lutte contre la pauvreté. Pour ce qui est des enjeux de l’ITIE au Cameroun, elle a relevé ainsi le maintien du statut de Pays Conforme et le développement du secteur extractif et de manière spécifique, il s’git de l’attractivité pour des investissements directs étrangers, l’efficacité de la collecte des taxes, la préservation de l’environnement, le développement et l’intégration du segment aval, la création d’emplois et le développement local. En définitive, l’on retiendra que l’apport de l’initiative ITIE est d’une importance capitale sur la transparence et redevabilité. En outre, elle vise à apporter de la transparence sur toute la chaîne de valeur des industries extractives, de l’octroi des licences et contrats à la gestion des revenus que l’Etat en tire, en passant par la fiscalité et les transferts de revenus, sans oublier les considérations d’ordre socio-environnemental. 4 Conformément à la Norme ITIE, le rapport de conciliation des flux financiers et des volumes ou rapport ITIE doit être un document de référence qui permet de divulguer des informations fiables relatives au secteur extractif, afin d’alimenter le débat public autour de la gestion dudit secteur (cas de la renégociation d’un contrat de troc dans un pays de notre sous-région). A cet effet, l’ITIE milite pour le renforcement des capacités de la société civile. En conclusion Mme Ondigui a relevé que l’ITIE est une plateforme de dialogue tripartite, susceptible d’améliorer la gouvernance du secteur extractif et de renforcer la cohésion sociale autour des objectifs communs d’optimisation de l’exploitation des richesses du sous-sol et de la gestion des revenus tirés, pour l’amélioration des conditions de vie des populations. De ce fait, cette initiative a toute sa place dans une démarche globale visant l’amélioration du climat des affaires pour ce qui est du secteur extractif. Son enracinement dans notre environnement institutionnel est par conséquent recommandé. Avant de passer la parole, Mme Ondigui a promis d’envoyer au GICAM le rapport disponible afin de permettre aux chefs d’entreprise de comprendre comment le secteur minier est géré, et notamment animer les débats dans le secteur privé. La phase des échanges a été ouverte par M. Thierry Tene de l’Institut RSE Afrique (IARSE), qui relève que l’exemple du Katanga en RDC pourrait servir d’indicateur pour éviter le phénomène des « aventuriers ». Il a par ailleurs voulu savoir si la carte minière du Cameroun pourra enfin être publiée afin d’orienter les investisseurs. Il a poursuivi en questionnant sur la notion de taxe d’extraction qui ne revient pas généralement aux communautés et le mode de définition du périmètre des riverains d’une mine. Les questions des miniers artisanaux, de la RSE sur le secteur minier sont-elles prévues dans le code minier ? D’autres questions se sont enchaînées autour de l’efficacité de l’ITIE, la fiabilité des chiffres publiés, la traçabilité et la lisibilité des recettes issues des mines, la protection des acteurs de la filière, la nécessaire transformation des minerais sur place afin d’en tirer le maximum de plusvalue, la place de la PME quant à l’exploitation minière et les spécificités relatives à la taxation du domaine des mines. En réponse, de manière globale, le SETAT, ainsi que les autres intervenants, ont relevé la complexité des différents projets miniers, les montants exorbitants que ces projets charrient et, par conséquent, la nécessité pour le Gouvernement d’être vigilant quant aux aspects relatifs à la RSE. Le ministre a ensuite annoncé pour bientôt l’arrivée des partenaires pour l’exploitation de la mine d’Akonolinga et de Fongotogo seront connus. Il a en outre relevé que le développement des communautés est plus lié aux infrastructures périphériques qui bénéficieront plus aux communautés que les revenus liés à la mine de manière directe. En ce qui concerne les recettes, près de 70 kg d’or ont été vendus par l’Etat, contrairement à il y a quelques années où ce dernier n’encaissait aucune recette malgré l’exploitation artisanale. Par ailleurs, le montage financier étant lié à plusieurs facteurs fluctuants, le démarrage des projets miniers prend souvent beaucoup de retard. Sur l’efficacité de l’ITIE, selon le SETAT, l’interrogation qui a été soulevée aurait été pertinente avant 2012, mais actuellement la problématique est davantage adressée sur la base des normes déjà existantes. Toutefois, il y a davantage de flexibilité sur les exigences qui font l’objet de 5 discussions au sein même de l’ITIE. En tout état de cause, les réponses aux questions relatives à l’initiative ITIE seraient plus pertinentes si elles provenaient des utilisateurs des revenus issus des mines. Pour ce qui est de la réglementation, le SETAT a relevé qu’il reviendrait au secteur privé (GICAM) de faire évoluer la loi, d’emmener les investisseurs à augmenter la proportion des mines transformée sur place, ce qui donnerait des sous-traitances aux PME, notamment pour ce qui est du secteur secondaire et tertiaire, qui rapporterait plus de revenus que l’exploitation proprement dite. L’exemple est pris sur le défi qui consisterait, par exemple, à développer des activités autour de l’exploitation du fer de Mbalam, comme les magasins de stockage, les services de transport et analyses en laboratoire, notamment en partenariat avec les multinationales. En définitive, pour éviter syndrome de la « malédiction des ressources naturelles », l’avenir de l’industrie minière est du côté aval, à condition que les acteurs participent au débat et s’impliquent aux initiatives entreprises tant par le gouvernement que par le secteur privé. 6
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