PROJET SPSM – Employabilité 2014-2017 Santé Publique et Santé Mentale: Nouveaux besoins, nouvelles formations, quelle employabilité des usagers en Europe? Partenaire France : AGAPSY (Fédération nationale des Associations Gestionnaires pour l’Accompagnement des personnes handicapées Psychique Edité avec le soutien financier de la Commission européenne. Le contenu de cette publication et l’usage qui pourrait en être fait n’engage pas la responsabilité de la Commission européenne 2 Table des matières 1 ELEMENTS CONTEXTUELS_________________________________________________________ 4 1 ECLAIRCIR LES CONCEPTS __________________________________________________________ 4 2 LA FRANCE ______________________________________________________________________ 5 ORGANES DE DECISION_________________________________________________________________ 5 ORGANISATION ET FINANCEMENT DES SOINS EN SANTE MENTALE ____________________________________ 6 ORGANISATION DE LA SANTE ET LIEN AVEC LE HANDICAP PSYCHIQUE ________________________ 7 POLITIQUES ET ACTEURS DU HANDICAP PSYCHIQUE ______________________________________ 8 DONNEES QUANTITATIVES RELATIVES AU PUBLIC _______________________________________ 10 LE PAYSAGE DE L’ACCOMPAGNEMENT/LA PRISE EN CHARGE EN MATIERE D’EMPLOI __________ 12 1.1 UN TAUX D’EMPLOI FAIBLE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP D’ORIGINE PSYCHIQUE __________ 13 1.2 LE PROJET PROFESSIONNEL : UN ELEMENT IMPORTANT DU PROCESSUS DE RETABLISSEMENT _____________ 13 1.3 UNE SITUATION D’EMPLOYABILITE DIFFICILE A EVALUER _____________________________________ 14 1.4 DES DISPOSITIFS D’INSERTION PROFESSIONNELLE HETEROGENES, INEGALEMENT REPARTIS ET PEU IDENTIFIABLES _________ 14 1.5 LE CONTEXTE FRANÇAIS EN MATIERE D’AIDE A LA REINSERTION PROFESSIONNELLE : UN SINGULIER RETARD __ 15 1.5.1 UN MANQUE DE FLUIDITE DES PARCOURS PROFESSIONNELS 16 1.5.2 VERS UNE APPROCHE INTERSECTORIELLE, MULTIDIMENSIONNELLE ET RESPECTUEUSE DES PARCOURS DE VIE 17 1.5.3 DES BESOINS A PARTICULARITES, EN PARTIE LIES AU HANDICAP PSYCHIQUE, SONT MAL COUVERTS 18 2 REFERENCES __________________________________________________________________ 21 3 ELEMENTS CONTEXTUELS 1 ELEMENTS CONTEXTUELS 1 ECLAIRCIR LES CONCEPTS Important : La notion de « handicap psychique » correspond à celle utilisée lors du dépôt du projet et sera celle principalement utilisée. En revanche, cela ne signifie pas qu’elle prévaut sur les concepts et termes qui peuvent être utilisés dans chacun des pays partenaires. En ce sens, vous trouverez ci-dessous les concepts et notions utilisées en France. Santé mentale C’est la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui est officiellement utilisée en France. Ainsi, la santé mentale est définie comme un « état de bien-être permettant à chacun de reconnaitre ses propres capacités, de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d’accomplir un travail productif et fructueux et de contribuer à la vie de sa communauté ». Handicap Psychique Limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société induite par les troubles psychiques. Cette notion est officiellement distinguée de celle de handicap mental/intellectuel depuis la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cependant, cette distinction n’est pas encore claire pour l’ensemble des acteurs concernés. Personne en situation de handicap Le terme handicap psychique a progressivement évolué vers la notion de situation de handicap qui privilégie la notion de conséquences sociale des troubles et des traitements et voit le handicap sous la lumière de l’interaction entre les caractéristiques de la personne et de son environnement. De là, c’est la société qui doit apporter à chacun des réponses ciblées pour qu’elle recouvre son autonomie et son inclusion sociale. Secteur sanitaire Secteur regroupant les établissements et dispositifs de santé, qu’ils soient publics ou non, ayant pour mission les soins curatifs et palliatifs, la prévention, l’enseignement et la formation professionnelle ainsi que la recherche scientifique ou médicale. Dans sa version la plus utilisée, le terme sanitaire renvoie à la prise en charge en établissement de santé. Secteur Social et Médico-social Secteur regroupant les établissements et dispositifs sociaux et médico-sociaux (ESMS) répondant à une mission d’intérêt général et d’utilité sociale, entre autre, les actions en faveur des personnes en situation de handicap. Leur création et transformation sont soumises à un régime d’autorisation et ils dépendent des financements émanant des institutions françaises (Etat, Départements, …). 4 Cloisonnement/Décloisonnement Historiquement, les institutions des secteurs sanitaire, social et médico-social fonctionnent de façon séparée. Le terme décloisonnement fait référence à la volonté de faire fonctionner ces secteurs ensemble et de manière articulée dans un objectif de prise en charge globale des usagers. Usager / Bénéficiaire Personne utilisant, bénéficiant d’un service. Ce terme est principalement utilisé lorsque l’on parle d’accompagnement de public en difficulté, beaucoup moins lorsque l’on fait référence aux de soins. Patient Personne hospitalisée en établissement de santé. Résident Utilisé principalement pour désigner une personne utilisatrice d’un service d’hébergement adapté. 2 LA FRANCE Superficie : 675 417 km2 Population totale (2013) : 65 800 000 (21e) Densité : 97 hab./km2 Langue officielle : Français Forme de l'État : République constitutionnelle Président de la République : François Hollande Premier ministre : Jean-Marc Ayrault Organes de décision La France est une république constitutionnelle dont le pouvoir est défini par la Constitution de la Cinquième République (1958). Trois pouvoirs distincts sont contrôlés par des institutions séparées et indépendantes : le pouvoir législatif par le Parlement, le pouvoir exécutif par le Président de la République et le pouvoir judiciaire par la Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. Au niveau exécutif, l’Etat intervient soit directement, soit via ses services déconcentrés au niveau des collectivités territoriales elles-mêmes organisées en trois niveaux (les Communes, les Départements et les Régions). 5 Organisation et financement des soins en santé mentale L’offre de soin est planifiée au niveau régional afin de permettre la mise en œuvre d’une offre de soin répondant aux besoins de la population de façon adaptée sur chaque territoire et ainsi réduire les inégalités de santé au niveau national. Les orientations stratégiques sont déterminées chaque année par les Agences Régionales de Santé (ARS) dans le Programme Régional de Santé (PRS) puis opérationnalisées par les Schémas Régionaux d’Organisation des Soins (SROS) et les Schémas Régionaux d’Organisation Médico-sociale (SROMS). La psychiatrie suit une logique de sectorisation, un secteur étant une zone géographique délimitée par la population possédant une équipe pluridisciplinaire spécialisée en santé mentale. Ce découpage sectoriel, est en pleine refonte afin de concorder avec les secteurs de santé actuels. L’offre de soin s’organise en trois niveaux : Les soins hospitaliers en unités d’hospitalisation psychiatrique qui concernent la prise en charge aigue de la maladie ; Les soins de suite et de réadaptation qui font suite à une hospitalisation et concernent donc les patients dont la dépendance est temporaire, le temps des soins médicaux ; Les soins ambulatoires ou soins de ville concernent les phases de stabilisation de la maladie psychique. Ils ne nécessitent pas l’hébergement du patient qui est de retour à son domicile ou en hébergement adapté. Il s’agit des prises en charge en CMP (Centre Médico-Psychologique), CATTP (Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel), hôpital de jour, services de soin à domicile, les professionnels libéraux… La gradation de l’offre de soins fait référence à cette organisation en trois niveaux. C’est un enjeu important dans le secteur psychiatrique. En effet, de nombreuses personnes stabilisées restent hospitalisées en unités psychiatriques faute de solution de logement ou d’établissement de soin de suite. A cela s’ajoute les actions des autres acteurs en santé mentale en charge de la prévention, du repérage et du soutien des personnes ayant des problématiques de santé mentale. Tableau 1 1: Acteurs intervenant dans le financement des soins en santé mentale et pourcentage du financement total, en 2007 Financeur Etat Collectivités locales (Régions, Départements et Communes) Caisses de Sécurité Sociale (assurance maladie, assurance vieillesse,…) Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) contribue au financement des dépenses de santé pour les personnes âgées et handicapées Ménages 1 % du financement total 41 18 38 1 2 Sources Psycom (mai 2013) 6 Concernant les caisses de Sécurité Sociale, le Parlement fixe chaque année le montant prévisionnel des dépenses via l’Objectif National des Dépenses en Assurance Maladie (ONDAM), c'est-à-dire l’ensemble des dépenses remboursées aux assurés sociaux par l’Etat. Les usagers des services de santé financent eux-mêmes une partie des dépenses via le reste à charge (ou ticket modérateur, ou tiers payant) qu’ils peuvent se faire rembourser par des organismes complémentaires moyennant cotisations. Les personnes les plus défavorisées peuvent prétendre à une complémentaire santé gratuite, la Couverture Maladie Universelle (CMU), principalement financée par l’Etat. La CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) a un rôle important dans le financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie. En plus de participer au financement des dépenses de santé pour les personnes âgées et handicapées, elle participe à celui de l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap, répartie les crédits de l’assurance maladie pour le financement des établissements et services médico-sociaux. Elle est aussi un expert dans l’élaboration de référentiels nationaux. Quelques financements privés peuvent se rajouter via des mécénats, des fonds européens,… ORGANISATION DE LA SANTE ET LIEN AVEC LE HANDICAP PSYCHIQUE Accompagnement social au sein des structures de soin D’un coté, un accompagnement social est proposé pendant le suivi thérapeutique du patient en unité d’hospitalisation, en hôpital de jour ou en Centre Médico-Psychologique. L’objectif est de limiter l’exclusion sociale des patients les plus handicapés et stabiliser leur situation médico-sociale. Il consiste en l’intervention de travailleurs sociaux (Assistants Sociaux, Conseillers en Economie Sociale et Familiale…) au sein de l’équipe de santé mentale. De plus, les équipes soignantes mettent également en place des actions éducatives et sociales sous forme d’ateliers d’expression ou d’autres modes interventions. Accompagnement à la santé au sein des dispositifs accueillant les personnes en situation de handicap psychique De l’autre coté, les personnes en situation de handicap psychique accueillies ou suivies par des établissements et services spécialisés font l’objet d’actions de santé. Pour citer quelques types de dispositifs (liste non exhaustive) : Les dispositifs ambulatoires : SESSAD (Service d’Education Spécialisée et de Soin à Domicile), SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale), SAMSAH (Service d’Accompagnement Médico-social pour adultes Handicapés),… Ils accueillent le public de jour ou exercent leurs actions à domicile et en milieu ordinaire. Ils mettent en place un accompagnement social pour les actes de la vie quotidienne (actions éducatives, conseils …). Les hébergements spécialisés : MAS (Maison d’Accueil Spécialisées), FAM (Foyer d’Accueil Médicalisé), IME (Institut Médico-Educatif) avec internat, … Ce sont des établissements où résident les personnes en situation de handicap et qui proposent des activités en fonction du niveau d’autonomie. 7 Les services d’insertion professionnelle : ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le travail), les dispositifs d’insertion en milieu ordinaire de travail, le job coaching… Les Groupes d’Entraide Mutuelle Ce sont des lieux d’accueil et de rencontre pour les personnes en situation de handicap psychique. Les usagers/adhérent, les bénévoles et les professionnels y interviennent à travers des ateliers ou de modules d’apprentissage. Ils s’inscrivent dans le champ de la santé via des actions sur l’hygiène de vie, la coordination des actions avec les acteurs du champ sanitaire, l’accompagnement vers le soin… Des conventions sont souvent établies avec le secteur psychiatrique. Particularité structurelle du milieu associatif français Face au manque de solution, de nombreuses associations militantes se sont substituées au rôle de l’Etat en créant des structures spécialisées accueillant les personnes en situation de handicap. Pendant longtemps, le placement en établissement était proposé comme la solution alternative au maintien en famille ou en hôpital. Cependant, cette institutionnalisation massive de l’accompagnement est aujourd’hui décriée. Elle nuit à la coordination entre les équipes de soin et celles de l’insertion sociale. Les volontés se dessinent pour favoriser une logique de parcours avec une prise en charge globale de l’individu (aspects de santé mentale et de handicap psychique articulés) avec un parcours de soin sans rupture dans l’accompagnement social. Les nouvelles initiatives sont actuellement tournées vers la participation des personnes directement concernées, l’intégration en milieu ordinaire et l’utilisation de services ambulatoires. Par conséquent, le recours des enfants et adolescents handicapés diminue au fil du temps et l’entrée en établissement est de plus en plus tardive. Le nombre de services travaillant sur le lien entre domicile et institution a été multiplié par quatre en 10 ans et les institutions adaptées se recentrent sur les personnes nécessitant un accompagnement lourd. Cependant, cette évolution demande un rapprochement des cultures entre le sanitaire et le médico-social, un chantier immense à l’heure actuelle ! POLITIQUES ET ACTEURS DU HANDICAP PSYCHIQUE L’Etat Il définit la législation applicable aux personnes handicapées, qu’il s’agisse des prestations qui leur sont destinées, de la réglementation spécifique applicable en matière d’emploi, de scolarisation, d’accessibilité ou de structures de prise en charge spécifiques. En particulier, le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé est le département ministériel chargé des questions sociales, de la solidarité, la cohésion sociale, la santé publique et l’organisation de l’offre de soin. Il possède une délégation « Personnes handicapées et lutte contre l’exclusion ». Il existe une politique interministérielle avec l’existence d’un comité interministériel chargé de la coordination et du suivi de la mise en œuvre des décisions prises. L’Etat est directement responsable du financement de l’Allocation Adultes Handicapés (AAH)2 et du financement des auxiliaires de vie scolaire qui accompagnent les enfants en situation de handicap à 2 L’AAH est actuellement de 790€ par mois 8 l’école. Enfin, une Délégation ministérielle à l’accessibilité est en charge de coordonner les actions du ministère dans les différents domaines concernés par l’accessibilité universelle. Actuellement, les compétences de l’Etat sont de plus en plus transférées vers les collectivités. Ce réaménagement peut être source d’importantes inégalités sur les territoires. Le niveau territorial Suite aux différentes lois de décentralisation, les collectivités territoriales sont devenues les premiers maîtres d'œuvre des politiques publiques pour les personnes en situation de handicap. Les Départements Ils sont les chefs de file, de la mise en œuvre de la politique du handicap. Les Conseils Généraux assurent le pilotage des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les Départements sont également responsables du développement de l’offre d’établissements et services non médicalisés à destination des adultes handicapés. Ils financent enfin la prestation de compensation, destinée à prendre en charge les surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne de la personne, les frais d'hébergement en foyer, les frais de transport individuel des élèves et des étudiants handicapés vers les établissements scolaires. Ils assurent une tutelle administrative et financière sur les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) qui accueillent et orientent les personnes en situation de handicap. Les Régions Les Agences Régionales de Santé rassemblent les acteurs impliqués dans le pilotage du système de santé et du secteur médico-social (personnes âgées, personnes handicapées). Elles définissent, financent et évaluent les actions de prévention des handicaps et de la perte d’autonomie. Elles gèrent les procédures d’autorisation, les investissements et les appels à projets des établissements et services pour personnes handicapées. Les Communes et Intercommunalités Via les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS), les Communes développent des actions sociales en faveur des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Les CCAS les accueillent et les informent sur leurs droits et les orientent vers les services sociaux compétents. Il existe aussi des Commissions communales et intercommunales en charge de l’accessibilité des personnes handicapées. Les structures de consultation Le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) Cette instance nationale agit en lien direct avec le ministre en charge du handicap. Elle rassemble les associations représentatives des personnes handicapées et de leurs familles, les administrations concernées, les organismes de protection sociale, les partenaires sociaux, les représentants des collectivités locales. C’est un lieu de participation où les membres donnent leur avis sur la politique du gouvernement en matière de handicap. Il s’agit aussi d’un lieu d’observation, de dialogue et de suivi dans la mise en œuvre des textes. Un rapport portant sur l’application de la politique relative 9 aux personnes handicapées est remis chaque année au gouvernement. Le même type d’instance existe au niveau départemental. Les associations Les Associations ont eu et ont toujours un rôle important de veille, d’ingénierie sociale et de sollicitation des pouvoirs publics en matière de handicap. Certaines sont également gestionnaires de structures d’accueil et de services. De nombreuses associations sont rassemblées en fédérations ou unions nationales afin d’avoir un poids plus important dans l’opinion publique. Par exemple, pour le champ de la santé mentale et du handicap psychique (liste non exhaustive) : AGAPSY (Fédération Nationale des Associations Gestionnaires pour l’Accompagnement des personnes handicapées PSYchiques) : organisation fédérant 52 associations œuvrant dans l’accompagnement et l’insertion sociale et professionnelle de personnes handicapées psychiques et souhaitant partager leur expertise. UNAFAM (Union Nationale des Familles et Amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) : associations d’accueil, de soutien et d’information auprès des familles confrontées aux troubles psychiques d’un de leurs proches. FASM (Fédération d’Aide à la Santé Mentale) - Croix Marine : organisation nationale fédérant des associations et établissements de soin publics et privés œuvrant dans le champ de la santé mentale. Le réseau est orienté vers la promotion des soins psychiatriques, la recherche d’actions innovantes dans le champ sanitaire, social et médico-social et la réalisation d’actions de formation et d’information. FNAPSY (Fédération Nationale des Associations d’usagers en PSYchiatrie) : organisation fédérant des associations d’usagers. ADVOCACY : association de soutien de la parole et des droits des usagers. Les associations peuvent aussi se rassembler de façon ponctuelle comme elles le font actuellement via le collectif « Santé Mentale et Troubles Psychiques – Grande Cause Nationale 2014 ». Ce collectif se mobilise depuis novembre 2012 afin de déposer un dossier commun pour l’obtention du label Grande Cause Nationale pour la Santé mentale et les Troubles Psychiques. DONNEES QUANTITATIVES RELATIVES AU PUBLIC3 Presque 30% des français seraient concernés par un problème grave de santé mentale à un moment de sa vie dont 2 à 3% de la population est touchée par des troubles psychotiques, 1% par la schizophrénie, 8% par la dépression, 14% par l’anxiété généralisée. Cela représente 1,4 millions d’adultes suivis par la psychiatrie publique, principalement en soins ambulatoires. 1% de la population française serait touché par un trouble psychique pouvant entraîner un handicap. 20% des personnes présentant des troubles psychiques sont au chômage et 5% sont en situation de grande exclusion… En effet, sur les 80 000 à 100 000 sans-abri en France, de 30 à 50 % présenteraient des troubles psychiatriques sévères. Le nombre de patients stabilisés maintenus en hôpital psychiatrique faute de solutions d’accueil serait compris entre 13 000 et 15 000. Et, selon 3 Sources : Rapport IGAS (Aout 2011), Etude CREAI (Janvier 2009), ASH (Mai 2013), Psycom (Mai 2013) 10 plusieurs associations, la moitié des personnes souffrant d’un handicap psychique vivent et vieillissent dans leur famille. La plupart n’ont jamais fait l’expérience d’un logement autonome. Tableau 2 : Coût de la pathologie mentale pour le secteur médico-social en 2007 Soins et accueil en établissement Perte de productivité et indemnités au titre de l’incapacité chômage Perte de qualité de vie Recherche en psychiatrie Coût (en millions d’€) 6300 24400 65100 23.7 11 LE PAYSAGE DE L’ACCOMPAGNEMENT/LA PRISE EN CHARGE EN MATIERE D’EMPLOI Le parcours de ces personnes vers l’emploi est organisé par la loi de 2005 selon le schéma ci-dessous: La première étape du parcours administratif est le dépôt d’un dossier avec certificat médical en MDPH et son examen par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation (EPE). Un plan personnalisé de compensation est élaboré. L’évaluation des capacités professionnelles des personnes vise à construire une analyse objectivée de la demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), d’orientation professionnelle et pour les personnes dont le taux d’incapacité est inférieur à 80% de l’existence d’une restriction durable et substantielle à l’accès à l’emploi (RDSAE). Cet exercice est complexe en toute hypothèse, et plus encore pour le handicap psychique. Ces éléments techniques de l’évaluation sont donnés à la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui prend les décisions, notamment d’orientation professionnelle soit vers le milieu ordinaire soit vers le secteur médico-social ou vers un centre de formation-préorientation. Si la personne est orientée vers le marché du travail, elle s’inscrit à Pôle emploi qui, appuyé par les Cap emploi, accompagne les recherches de formation ou d’emploi des personnes soit en entreprises adaptées, soit dans le secteur de l’insertion par l’activité économique, soit dans les entreprises privées ou les secteurs publics. Ce parcours ainsi résumé pose à l’expérience de nombreuses difficultés de partage des responsabilités entre les acteurs, notamment en ce qui concerne l’évaluation professionnelle, l’orientation et l’accompagnement vers le placement et en emploi. 36% de la population BOETH est en emploi4 : 35% soit 284 000 en établissements privés de plus de 20 salariés ; 22% soit 176 000 dans les établissements publics assujettis à l’obligation d’emploi ; 16% soit 128 000 dans les entreprises de moins de 20 salariés ; 14% soit 116 000 dans les ESAT ; 7% soit 58 000 comme travailleurs indépendants et 4% soit 35 000 dans 700 entreprises adaptées5. Le chiffre des 128 000 salariés qui, en l’absence de toute obligation légale, sont en emploi dans des entreprises de moins de 20 salariés doit être noté. Dans le secteur protégé, le nombre de places en ESAT est passé de 103 000 en 2006 à 116 000 en 2010 répartis dans 1444 établissements et services. Le coût moyen d’une place en ESAT est de 12 840 €6. La question des revenus des personnes handicapées et donc celle de l’articulation de l’Allocation pour adultes handicapés (AAH) avec les revenus de l’activité professionnelle, notamment sur le point particulier du contrat à temps partiel égal au mi-temps7, est évidemment une question importante pour les personnes et qui, à juste titre, préoccupe les associations reçues. La mission s’en fait l’écho dans ce rapport sans toutefois avoir pu, dans le cadre de la lettre du Premier ministre, aller au-delà8. 4 Source DGEFP 2011. Les entreprises adaptées (EA) sont régies par le code du travail. La loi du 28 juillet 2011 précise que les effectifs des salariés en production doivent être composés au minimum de 80% de personnes handicapées. Si les EA relèvent bien du milieu ordinaire de travail et peuvent revêtir une forme commerciale, l’encadrement des salariés sous contrat de travail de droit commun par du personnel dédié est intégré dans le fonctionnement des ateliers et adapté aux besoins des salariés qui signent le plus souvent un contrat à durée indéterminée. 6 Chiffres DREES issus de l’enquête 2010 sur les établissements sociaux et médico-sociaux. 7 Les conditions de cumul de l’AAH avec des revenus d’activités ont été fixées par le décret n° 2011-974 du 16 août 2011 relatif à l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés aux personnes handicapées subissant une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RDSAE) et à certaines modalités d'attribution de cette allocation. 8 Le gouvernement a missionné au printemps dernier l’Igas d’une part sur « le suivi du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » et d’autre part sur « le pilotage d’un groupe de travail sur les liens entre handicap et 5 12 1.1 Un taux d’emploi faible des personnes en situation de handicap d’origine psychique En France, en 2011, le taux de chômage des travailleurs handicapés s’élevait à 21% contre 9 % en moyenne pour l’ensemble de la population en âge de travailler (15-64 ans)9. Selon les données issues du Rapport 2010 du CNCPH, 81% des personnes handicapées ont un niveau de formation inférieur au baccalauréat et, lorsqu’elles bénéficient d’un emploi, elles occupent des postes de moindre qualification et ont moins de possibilités d’évolution de carrière. Chaque année, ce sont 200 000 inaptitudes qui sont prononcées dont 60% aboutissent à un licenciement. L’insertion professionnelle apparaît ainsi comme un enjeu majeur des politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap. Le rapport 2012 du CNCPH pose d’ailleurs comme action prioritaire de « s’engager dans un véritable plan national de lutte pour l’emploi des personnes handicapées, qui portera (notamment) une attention particulière sur la formation professionnelle et initiale ». Le rapport de l’IGAS paru en Août 201110 rappelle que pour ce qui concerne les personnes en situation de handicap psychique et les problématiques en matière d’accès ou de maintien dans l’emploi, «le recensement des personnes handicapées psychiques est difficile, mais les différentes études montrent un faible taux d’emploi, 60 % d’entre elles percevant une allocation, principalement l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Selon les différentes enquêtes, il y aurait entre 9 000 et 30 000 personnes avec ce handicap en demande d’emploi ou concernées par des démarches d’insertion professionnelle ». 1.2 Le projet professionnel : un élément important du processus de rétablissement Ces difficultés majeures rencontrées par les personnes en situation de handicap psychique dans l’accès et le maintien dans l’emploi sont d’autant plus préoccupantes qu’une récente recherche-action conduite par le CEDIAS – CREAHI Ile-de-France11 montre que l’activité professionnelle apparaît comme un domaine essentiel. Malgré un parcours professionnel chaotique et des difficultés relationnelles éprouvées au travail, les personnes vivant une situation de handicap d’origine psychique expriment souvent auprès des services d’accompagnement, le souhait de travailler, voire posent cette demande comme prioritaire. Un des résultats de la recherche a ainsi consisté à pointer l’absolue nécessité de prendre en compte toute demande liée au travail, quelles que soient les potentialités de la personne, dans la mesure où cette demande de travail signe un désir chez la personne sur lequel l’équipe pourra s’appuyer pour explorer les autres dimensions de vie et favoriser l’émergence des besoins et des attentes dans les registres de la vie quotidienne, ou plus largement la santé. Aussi, comme le pointait déjà le réseau GALAXIE dans une récente expérimentation12, «il parait essentiel de ne pas fermer trop tôt la porte face à ce type de demande qui peut jouer un rôle moteur dans le processus de rétablissement, même si la perspective de l’emploi apparaît a priori ou s’avère dans les faits irréaliste ou prématurée». difficultés dans l’accès aux droits et aux ressources». Ces deux missions ont été confiées à M. François Chérèque et Mme Christine Abrossimov, membres de l’IGAS 9 Source : Ministère du travail – données 2011. Site Internet de l’observatoire des inégalités. 10 « La prise en charge du handicap psychique », Inspection Générale des Affaires sociales, Août 2011. 11 Peintre C., Asensio A.-M., Barreyre J.-Y., “Quel services d’accompagnement pour les personnes en situation de handicap d’origine psychique ?” Synthèse et recommandations, Décembre 2011. 12 GALAXIE, “Situation de handicap psychique : de l’évaluation à la compensation. Expérimentation prospective des ESEHP”, Juillet 2009, financement CNSA. 13 1.3 Une situation d’employabilité difficile à évaluer Cette attention qu’il est nécessaire de porter à toute demande liée à l’emploi est d’autant plus essentielle que, comme le note le réseau GALAXIE dans l’expérimentation citée précédemment, « l’employabilité est complexe à évaluer du fait de la variété et de la variabilité des répercussions des troubles psychiques sur les fonctions cognitives et les comportements, mais aussi en raison de l’influence très forte des environnements ». Une expérimentation récente, conduite à la demande de la CNSA et de la DGCS, d’un processus d’évaluation de l’employabilité de près de 800 demandeurs d’AAH dans 10 MDPH (tout handicap confondu)13, a ainsi montré qu’un processus d’évaluation dynamique associant recueil d’information, accompagnement et mise en situation permettait de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Mais au travers du test d’un protocole précis (comportant quatre étapes définies spécifiquement et le recours à certains prestataires), cette expérimentation a mis en évidence le caractère multidimensionnel et interactif de l’accompagnement vers et dans l’emploi et la diversité des pratiques proposées sur les territoires, souvent peu formalisées et visibles pour l’ensemble des acteurs (dont la MDPH). 1.4 Des dispositifs d’insertion professionnelle hétérogènes, inégalement répartis et peu identifiables En effet, les dispositifs d’accompagnement vers et dans l’emploi sont nombreux (mais peu sont spécifiquement dédiés aux personnes souffrant de troubles psychiques) et recouvrent des réalités tout à fait différentes de par: • l’hétérogénéité des financements et des organismes de tutelle (Agence Régionale de Santé, Conseil régional, DIRECCTE, Agefiph, Fiphp) ; • la multiplicité des missions (dispositifs d’évaluation, de formation, d’accompagnement, de tutorat, de mise en situation) ; • le degré d’autonomie et les besoins du public : du milieu protégé (ESAT) au milieu ordinaire (entreprises publiques et privées), avec toutes les passerelles et intermédiaires qui peuvent exister (dispositifs d’accompagnements, de maintien dans l’emploi, ESAT de transition, etc.) ; • les actions visées : accompagnement de la personne en situation de handicap dans la construction de son projet professionnel, réentraînement au travail, soutien dans le cadre d’un maintien dans l’emploi, sensibilisation des employeurs et de leurs équipes à l’accueil d’un salarié avec ce type de handicap, etc. De plus, les récents rapports sur la question de l’emploi des personnes en situation de handicap mettent en exergue des pratiques très hétérogènes selon les territoires et/ou les acteurs, qu’il s’agisse du Plan Régional d’Insertion des Travailleurs Handicapés (PRITH) et sa mise en œuvre sur les territoires, ou encore du processus d’orientation professionnelle conduit par les MDPH (« si certaines MDPH accompagnent le projet professionnel de la personne, d’autres ont choisi de limiter leur rôle au cadre demandé par une interprétation stricte de la loi sur cette question » 14) . De même, il est constaté que « les dispositifs d’insertion et de formation professionnelle ouverts aux personnes handicapées, qu’ils soient spécifiques ou de droit commun, sont inégalement répartis sur le territoire et difficilement identifiables, (…) offrant peu de visibilité sur leur pertinence et leur efficacité, notamment au regard du marché de l’emploi » 15. 13 “Démarche expérimentale d’évaluation de l’employabilité des personnes handicapées”, CNSA, DGCS, Optim Ressources, rapport final, Juin 2013. 14 Agence Nouvelle des Solidarités Actives (ANSA), “L’insertion professionnelle des demandeurs de l’AAH – Enquête auprès de trois départements”, Note de synthèse, Mars 2013, avec le soutien financier de la CNSA. 15 L’emploi : un droit à faire vivre pour tous. Evaluer la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi. Prévenir la désinsertion professionnelle. Rapport remis à M. X. Darcos (Ministre du Travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville) et à Mme N. Morano (Secrétaire d’état chargée de la famille et de la solidarité), Décembre 2009. 14 L’enquête récente de l’ANSA (citée précédemment) souligne la nécessité pour l’ensemble des acteurs impliqués dans le parcours d’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap d’ « avoir une vision d’ensemble des dispositifs mobilisables ». En effet, même quand l’information existe, elle est trop souvent « morcelée et détenue par des structures ne communiquant pas bien entre elles ». Le rapport 2012 du CNCPH souligne également la méconnaissance par les personnes en situation de handicap des différents dispositifs de formation et d’accompagnement vers l’emploi. 1.5 Le contexte français en matière d’aide à la réinsertion professionnelle : un singulier retard16 Force est de constater que nos pratiques en France, dans ce domaine, apparaissent — majoritairement — en décalage avec les orientations et les données internationales et, à plusieurs égards au moins, il faut le reconnaître, singulièrement en retard. Retard au plan des pratiques de recherche dans ce domaine, qui commencent à peine à se développer, si l’on en juge par le faible nombre de publications indexées sur ce thème. Retard dans l’évaluation des performances ou résultats de nos pratiques, en termes de taux d’insertion en milieu ordinaire (pratiquement aucun chiffre n’est disponible en France dans ce domaine). Retard enfin à l’expérimentation des pratiques innovantes, qui ont fait leurs preuves dans de nombreux pays, en particulier les pratiques de « soutien à l’emploi » (appelées aussi de job coaching). Certes, il existe dans notre pays des pratiques de « préparation » et d’accompagnement vers l’emploi pour ce public, qui se sont développées ces dernières années dans le cadre des dispositions légales prévues pour favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap, en l’occurrence de handicap psychique. Cependant pour l’essentiel, ces pratiques relèvent des approches traditionnelles et restent de deux ordres : o o il y a d’une part des activités de travail proposées en milieu protégé (ESAT17), dont ne peuvent être bénéficiaires que les personnes jugées par la CDAPH18 non seulement en situation de handicap psychique, mais inaptes au travail en milieu ordinaire et pour cette raison orientées vers des établissements de travail protégé ; il y a d’autre part des pratiques d’évaluation, de fo rmatio n, de « réadaptatio n » au trav ail dans le cadre des structures médicosociales, so uvent issues o u pro ches du mo nde des so ins. Ce sont des pratiques développées dans le cadre d’hôpitaux de jour, d’ateliers thérapeutiques, ou de centres d’évaluation ou de formation assurant des « prestations ponctuelles spécifiques » d’évaluation ou d’accompagnement financées par l’Agefiph19. La difficulté reste que, dans les deux cas, seule une minorité de personnes en situation de handicap psychique parviennent à se réinsérer en milieu ordinaire de travail. Il n’existe pas à notre connaissance d’étude publiée qui rende compte es résultats de ces pratiques, notamment du taux d’accès à l’emploi en milieu ordinaire. Il est réputé faible dans le cadre du travail protégé, même si des passerelles, du milieu protégé vers le milieu ordinaire, sont déclarées possibles et parfois encouragées. En pratique, seule une petite minorité de personnes font ce passage de l’ESAT vers le milieu ordinaire de travail, un taux qu’on 16 extrait de... B, Corbière M. Pratiques et interventions de soutien à l’insertion professionnelle des personnes présentant des troubles mentaux graves : résultats et pistes de recherche. Encéphale (2014) 17 ESAT : Établissement et service d’aide par le travail 18 CDAPH : Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées 19 Agefiph : Agence de gestion des fonds pour l’insertion des personnes handicapées 15 peut estimer à moins de 5 % en moyenne, à l’exception de quelques établissements de travail protégé qui se sont donné comme objectif explicite, la transition vers le milieu ordinaire de travail (c’est le cas de quelques adhérents à la Fédération Agapsy – par ex. l’association Messidor, IrisMessidor, ESAT Nouvelle Forge,…). Quant aux pratiques préparatoires à l’emploi, aux « prestations ponctuelles spécifiques » d’évaluation et d’accompagnement vers l’emploi, là également il n’existe pas d’étude publiée, ni même de chiffre disponible sur les résultats de ces pratiques, qui à notre connaissance demeurent modestes, du moins au sortir immédiat de ces prestations. On peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles ces taux de réinsertion en milieu ordinaire restent faibles, et pourquoi les résultats de ces pratiques, en termes d’insertion, ne sont, sinon pas mesurés, du moins pas publiés ? Il existe bien sûr des éléments de réponse. Pour nombre d’ESAT, l’accès au milieu ordinaire de travail reste certes une possibilité mais pas un objectif prioritaire, ou même encouragé. Quant aux pratiques d’évaluation et de préparation, elles se prêtent mal à une évaluation de leur incidence sur l’obtention d’un emploi en raison d’une division du travail, la recherche d’emploi étant confiée à d’autres intervenants (les chargés d’insertion des Cap Emploi) que ceux qui ont assuré ce travail de préparation ou de réentraînement au travail. Cette discontinuité des prestations, avec une pluralité d’intervenants, a l’inconvénient de priver de la responsabilité (éventuellement de la satisfaction) du succès de l’insertion, la plupart des professionnels qui n’interviennent que sur une portion du « parcours vers l’emploi ». Cette multiplicité d’intervenants n’est pas non plus propice à la construction d’une alliance de travail entre le conseiller en emploi et la personne en quête de réinsertion professionnelle. Il demeure de toute fa¸con questionnant que restent méconnus, voire non mesurés, les résultats de ces pratiques. Enfin, on peut aussi s’interroger sur les raisons pour lesquelles les pratiques qui ont fait empiriquement preuve de leur efficacité, tardent non seulement à être mises en œuvre, mais simplement à être expérimentées dans notre pays, alors qu’elles se développent dans tous les pays anglo-saxons et presque partout en Europe. Pour revenir aux travaux de recherche actuels sur la réinsertion professionnelle des personnes ayant un handicap psychique, il est frappant de constater qu’ils tendent à se développer en se focalisant de plus en plus sur les facteurs externes ou environnementaux de l’insertion professionnelle, tels que les modes d’accompagnement vers l’emploi, les compétences des professionnels de l’accompagnement vers l’emploi, ou les accommodements de travail en entreprise pour ces personnes, plutôt que sur les propriétés des personnes supposées conditionner leur employabilité. Cette évolution est remarquablement convergente avec l’évolution des conceptions du handicap, qui insistent également sur l’importance des déterminants externes (environnementaux ou situationnels) du handicap, sous-estimés par la conception médicale traditionnelle. 1.5.1 Un manque de fluidité des parcours professionnels Ce manque de visibilité des ressources territoriales favorisant l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, ainsi que les défauts d’articulation des politiques publiques concernées, expliquent en partie un manque de fluidité des parcours professionnels des travailleurs handicapés, et notamment des passages insuffisants entre le secteur protégé, le secteur adapté et les entreprises20. Malgré les dispositions incitatrices de la loi de 2005, le taux de sortie des travailleurs d’ESAT ou d’EA vers le milieu ordinaire de travail reste très faible. 20 Relevé de décisions du Comité Interministériel du Handicap, “Handicap : le défi de l’égalité”, Septembre 2013. 16 Plusieurs actions incitatives ont été expérimentées ces dernières années, comme le dispositif Passmo (2009-2011), qui correspondait à l'attribution, par l'Etat, d'une aide financière spécifique pour favoriser l’embauche de travailleurs ESAT en milieu ordinaire de travail (ce financement pouvant servir soit à accompagner l'entreprise dans son processus d'embauche et d'intégration du travailleur handicapé, soit à l'Esat s'il réalisait lui-même le suivi de cette personne). L’évaluation de ce dispositif expérimental par l’IGAS montre que Passmo n’a pas permis une progression plus dynamique des embauches dans les quatre régions participant à l’expérimentation, en revanche, la mise à disposition de travailleurs handicapés en entreprise et un accompagnement adapté sont des leviers plus efficaces pour l’insertion en milieu ordinaire de travail. Ces différents constats ont conduit notamment neuf associations21 à créer un Collectif national pour la recherche et l’emploi accompagné » (CNEA). Ce collectif vise à promouvoir et à développer des pratiques d’accompagnement innovantes qui facilitent l’accès et le maintien dans un emploi en milieu ordinaire. 1.5.2 vie Vers une approche intersectorielle, multidimensionnelle et respectueuse des parcours de Mais d’une façon générale, que ce soit en termes d’insertion professionnelle, ou encore de santé ou de logement, les nouvelles orientations des politiques publiques recommandent une approche globale et décloisonnée, qui proposent une organisation des différentes ressources du territoire (sanitaires, sociales, médico-sociales, de droit commun, etc.) susceptibles de répondre de façon articulée aux besoins des personnes, tout au long de leur parcours de vie. Il ne s’agit plus de faire correspondre une structure à une population ni de concevoir des dispositifs ou des « filières » susceptibles de répondre à TOUS les besoins d’un public, mais d’identifier parmi les ressources du territoire, les acteurs susceptibles de contribuer à satisfaire aux besoins repérés et aux demandes énoncées par la personne et de construire ensemble une véritable stratégie globale d’intervention. C’est ce que le conseil de la CNSA préconise dans son rapport 2012 avec une « organisation plus intégrée » qui repose notamment sur « une responsabilité partagée et des objectifs communs pour les acteurs d’un territoire intervenant auprès d’une même population et une remise en question par chacun de son propre fonctionnement, pour clarifier ses domaines de compétences et les limites d’intervention ». Or, cette nécessité de pouvoir bénéficier d’une approche globale, décloisonnée et articulée des réponses à apporter sur le registre professionnel est d’autant plus essentielle quand il s’agit de situations complexes comme celles des personnes présentant un handicap d’origine psychique. En effet, au travers de plusieurs recherches du CEDIAS, il est apparu que du fait de « la complexité et de l’intrication des besoins qu’elles génèrent, ainsi que de la complémentarité des registres d’intervention qu’elles nécessitent, ces situations plus que toute autre pointent immanquablement les limites des organisations existantes » 22, et en particulier mettent en exergue les effets délétères sur les parcours de vie des cloisonnements institutionnels ou encore des freins en termes de culture professionnelle. Cependant, les enseignements à tirer sur l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap d’origine psychique seront très certainement transposables en grande partie sur 21 Créé en juin 2014, le CNEA rassemble à ce jour 9 associations (AGAPSY, APF, ARERAM, Cheops, FAGERH, FEGAPEI, L’ADAPT, Messidor et Un autre regard). 22 Peintre C., “ Du partenariat… à l’espace partagé de Santé publique », in Pratiques en Santé Mentale n°4/2013 (à paraître). 17 l’ensemble des travailleurs handicapés. En effet, les situations les plus difficiles à gérer sont très souvent instructives pour dépasser les obstacles et favoriser les changements institutionnels nécessaires. Comme l’explique Thomas Khün dans son essai sur les révolutions scientifiques, ce sont d’abord les petites « anomalies » qui sont à l’origine des grands changements, de la transformation en profondeur des paradigmes23. 1.5.3 Des besoins à particularités, en partie liés au handicap psychique, sont mal couverts Les parcours des personnes handicapées psychiques, qui sont plus que d’autres encore confrontées au chômage et aux parcours professionnels fragmentés, se trouvent dorénavant, grâce aux progrès de la médecine et des recherches, mieux appréhendées tant par les recherches scientifiques que les expériences des associations représentant les malades et leur famille. Lorsque la personne est stabilisée et régulièrement suivie sur le plan médical – préalable strict - la question de l’emploi en milieu ordinaire de travail peut être à la fois un moyen thérapeutique sur la voie du rétablissement et un objectif économique et social. Avec les progrès des traitements médicaux et des techniques de réhabilitation psychosociales, les périodes de stabilisation des troubles s’allongent et les effets secondaires des traitements, notamment sur les capacités cognitives, sont moins invalidants. Les périodes d’hospitalisation se font moins fréquentes et aussi moins longues. Ces éléments médicaux créent donc une nouvelle donne et la remédiation cognitive par l’emploi peut aussi devenir une étape importante sur la voie du rétablissement qui permet à une personne de se projeter au-delà de la maladie. Mais en dépit de ces progrès de prise en charge qui rendent possible et souhaitable parfois le travail en milieu ordinaire, les personnes handicapées psychiques rencontrent de très grandes difficultés à se maintenir dans leur emploi, et plus encore à accéder durablement à un emploi lorsqu’elles sont inscrites à Pôle emploi. L’accès ou le retour en emploi des handicapés psychiques redevient possible pour ces personnes dont la maladie s’est déclarée le plus souvent pendant ou après les études et dont le niveau de formation est en moyenne plutôt plus élevé que celui de l’ensemble de la population handicapée. Mais l’incidence principale des troubles psychiques demeure la variabilité et l’imprévisibilité des comportements dont les conséquences tant dans l’exercice du métier lui-même que dans les relations avec les collègues ne peuvent pas être complètement connues à priori. Il s’agit d’une des principales difficultés. Le désir des personnes, qui est une des conditions de la réussite du parcours, ne suffit pas à surmonter les nombreux obstacles que sont les symptômes eux-mêmes, mais aussi le cas échéant, les addictions, l’altération de la motivation dans le temps et l’apparition de troubles cognitifs associés. o o Parmi les nombreuses questions qui sont soulevées, deux concernent l’emploi : l’évaluation individuelle des capacités professionnelles qui demande pour ces personnes tout particulièrement un temps long d’observation par une équipe de professionnels ; et les formes nouvelles d’accompagnement qui doivent être proposées. Pour les personnes souffrant d’un handicap psychique, l’accompagnement ne peut pas se décliner en prestations matérielles ou technologiques, pré fabriquées selon des modèles rigides. Le soutien dont ils ont besoin est humain et bien individualisé. Il doit, et c’est une de ses principales caractéristiques, être mobilisable - non pas en continu, ce qui justifierait une orientation en milieu protégé - mais à tout moment si le besoin s’en fait sentir pour la personne ou son entourage. En situation professionnelle, l’accompagnement vise à sécuriser le salarié et l’employeur face aux éventuelles difficultés qui, prises en amont, pourront plus aisément être analysées et surmontées. S’il est bien admis que l’accompagnement des personnes handicapées psychiques durera autant que de besoin dans la vie quotidienne, les dispositifs des parcours professionnels se trouvent paradoxalement dans l’état actuel des choses limités à quelques mois le plus souvent, 3 ans au grand maximum. 23 Thomas Khün, La Structure des révolutions scientifiques, 1970. 18 Or, limiter à priori le temps de l’accompagnement est totalement inadapté au handicap psychique. La durée nécessaire de l’accompagnement ne peut pas être préalablement déterminée, elle peut aller en moyenne de 2 à 5 ans selon la diversité des besoins. Mais elle peut être plus longue, voire demeurer nécessaire tout au long du parcours professionnel. L’accompagnement par un service adapté devrait être activé facilement en tant que de besoin. Si les données chiffrées disponibles sur l’emploi des personnes handicapées psychiques sont rares, elles confirment toutes les difficultés rencontrées. La mission a pu recueillir de très nombreux témoignages des associations et des acteurs qui vont tous dans ce sens. Selon un rapport de l’IGAS paru en 2011 : « Il y aurait entre 9000 et 30 000 demandeurs d’emploi avec un handicap psychique ou concernés par des démarches d’insertion professionnelle, 8 % des personnes handicapées psychiques seraient accueillies par Cap emploi, et moins de 5% feraient l’objet d’un placement en emploi24 ». « Parmi les bénéficiaires de minima sociaux, les personnes handicapées psychiques et mentales représentent 72% des allocataires de l’AAH vivant à domicile. Outre des limitations fonctionnelles intellectuelles, cognitives ou psychiques (ICP) importantes, un tiers d’entre elles rencontrent également d’autres limitations, soit sensorielles ou motrices25 ». Même lorsqu’elles sont en emploi, les personnes ayant des troubles mentaux ont de plus grandes difficultés que les autres à s’y maintenir. Ce qui est observé par les acteurs et experts de ce type de handicap se trouve confirmé par différentes études, dont dernièrement l’enquête de la DREES26 indique qu’ « environ 12% des femmes et 6% des hommes âgés de 30 à 55 ans, qui travaillaient en 2006, déclarent souffrir au moins d’un trouble mental (trouble anxieux généralisé ou épisode dépressif caractérisé) » et constate que le maintien dans l’emploi est moins fréquent pour la population déclarant des troubles mentaux : « (…), 86% des femmes et 82% des hommes porteurs de ces troubles ont conservé une activité professionnelle en 2010, contre respectivement 92% et 93% des personnes n’en déclarant pas.». De son côté, la direction de l'évaluation et de la prospective de l’AGEFIPH a réalisé une focale sur les taux de pérennité des emplois des personnes handicapées psychiques et mentales et ayant reçu une aide entre 2009 et 2011 (enquêtes réalisées en 2012 et en 2013)27. Compte tenu du faible nombre de personnes concernées - 459 au total – les résultats de l’enquête 2009 et celle de 2011 ont été agrégés. Pour tous les types de handicap, le taux de pérennité à 12 mois est de 86% pour les bénéficiaires d’une aide, les résultats sont très proches de cette moyenne pour le handicap mental (85%) et le handicap psychique (84%). À 24 mois, le taux de pérennité n’est plus que de 70% pour l’ensemble des bénéficiaires et s’il est de 73% pour le handicap mental, il n’est que de 61% pour le handicap psychique. Ces chiffres prudemment analysés par l’AGEFIPH confirment toutefois les difficultés particulières des personnes en situation de handicap psychique à se maintenir dans la durée en emploi. En dépit de tous ces constats qui établissent sur des bases solides les besoins des personnes handicapées psychiques, elles sont très peu suivies par les SAMETH (environ 2% des personnes prises en charge). À ce jour, aucun élément ne permet de percevoir une évolution significative sur ce point. Sur les quelques deux millions de personnes qui bénéficient de l’obligation d’emploi, 13% environ auraient un handicap psychique28. En 2013, les financements de l’AGEFIPH pour les personnes handicapées psychiques se sont établis ainsi : 24 La prise en charge du handicap psychique, D Jourdain Menninger, G Lecocq, M Mesclon-Ravaud. Rapport Igas, 2011. L’allocation aux adultes handicapés attribuée dans les départements. Dossiers Solidarité et Santé n° 49, décembre 2013. 26 30 Juillet 2014 - N° 885 • juillet 2014-Troubles mentaux : quelles conséquences sur le maintien dans l’emploi ? 27 Sur 2 724 questionnaires exploités, 264 concernaient des personnes handicapées mentales et 195 des personnes handicapées psychiques. 25 28 Evaluation DARES, octobre 2013. 19 o o o o 29 6159 nouvelles personnes handicapées psychiques ont été prises en charge par le réseau Cap emploi soit 8% de l’ensemble des nouvelles personnes accompagnées : 2695 personnes souffrant d’un handicap psychique ont été placées en emploi soit environ 6% des personnes placées ; 10 547 personnes ont bénéficié d’une des prestations ponctuelles spécifiques (PPS) dédiées au handicap psychique ; 292 personnes ont été maintenues dans leur emploi, ce qui représente 2% des personnes accompagnées par les SAMETH et 1,7% des maintiens réussis29. Chiffres AGEFIPH, juillet 2014. 20 2 REFERENCES [1] Corbière M, Durand MJ. 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