Prostatite granulomateuse (à propos de 6 cas)

Annales d’urologie 37 (2003) 299–301
www.elsevier.com/locate/anndur
Prostate
Prostatite granulomateuse (à propos de 6 cas)
Granulomatous prostatitis (About 6 cases)
Z. Dahami a,*, I. Sarf a, M. Dakir a, H. Elattar b, L. Badre b, M.A. Iraqui b,
R. Aboutaieb a, A. El Moussaoui a, F. Meziane a
b
a
Service d’urologie, centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, 113, avenue de Nice, Casablanca, Maroc
Service d’anatomie pathologique, centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, 113, avenue de Nice, Casablanca, Maroc
Reçu le 21 février 2002 ; accepté le 25 juin 2002
Résumé
Les auteurs rapportent six cas de prostatites granulomateuses non spécifiques. Le diagnostic a été retenu après étude anatomopathologique
des pièces de résections prostatiques et d’adénomectomie chirurgicale. Une revue de la littérature nous a permis d’analyser les différents
caractères épidémiologiques, cliniques et anatomopathologiques.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
A retrospectively series of six patients with non-specific granulomatous prostatitis is reported. The diagnosis was revealed by the
histological examination trans-urethral resection or enucleated prostatique. Only histological examination is able to established the definitive
diagnosis. This study and a review of literature permitted us to notice the various epidemiological, clinical, histological of this affection.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Prostatite ; Inflammation granulomateuse ; Diagnostic
Keywords: Prostatitis; Granulomatous; Diagnosis
1. Introduction
La prostatite granulomateuse non spécifique est une affection relativement rare, qui peut poser un problème de diagnostic différentiel clinique et biologique avec le cancer de la
prostate. Sa symptomatologie clinique n’est pas spécifique et
son diagnostic est exclusivement histologique.
2. Malades et méthodes
Nous rapportons six cas de prostatites granulomateuses
non spécifiques colligées dans le service d’urologie du CHU
Ibn Rochd et découverts après étude anatomopathologique
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : adahami@hotmail.com (Z. Dahami).
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/S0003-4401(03)00071-8
des pièces de résections transurétrales de la prostate et d’adénomectomie chirurgicale. L’âge moyen de nos patients est de
67,3 ans ; le motif de consultation est une rétention vésicale
complète. Tous nos patients ont bénéficié d’une échographie
prostatique sus pubienne et d’un dosage de l’antigène prostatique spécifique (PSA). La biopsie prostatique faite dans
trois cas (observations no 2, 3, 6), n’a pas retrouvé de signe de
malignité.
L’étude anatomopathologique des copeaux de résections
et des pièces d’adénomectomies a montré un parenchyme
prostatique siège d’une hyperplasie adéno-leimyomateuse
prédominant sur les glandes, avec présence de nombreux
foyers d’adénomyomite et d’un granulome épithéliogiganto-cellulaire sans nécrose caséeuse ou des cellules épithélioïdes et des cellules géantes avec présence d’histiocytes
spumeux.
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Z. Dahami et al. / Annales d’urologie 37 (2003) 299–301
Tableau 1
Résumé des différentes observations dans notre série
Obs.
1
2
3
4
5
6
Âge
(ans)
75
65
70
65
68
61
Toucher rectal
PSA
Échographie
TTT
Histologie
HBP
Nodule + HBP
HBP
HBP
HBP + nodule
Prostate nodulaire
7
42,3
9,2
5
2,5
58,59
HBP
Prostate hétérogène
HBP
HBP + calcifications
Nodule hétérogène
Prostate hétérogène
RTU
Chirurgie
RTU
Chirurgie
RTU
RTU
PGNS
PGNS
PGNS
PGNS
PGNS
PGNS
*
HBP : hypertrophie bénigne de la prostate
RTU : résection transurétrale
*
PGNS : prostatite granulomateuse non spécifique
*
Les résultats épidémiologiques, cliniques, biologiques et
échographiques sont rapportés dans le Tableau 1.
3. Discussion
La prostatite granulomateuse (PG) est une affection relativement rare, de diagnostic histologique. Son étiologie est
variable : elle peut être d’origine infectieuse tuberculeuse
dans le cadre d’une tuberculose urogénitale ou après BCG
thérapie pour tumeur superficielle de la vessie, mycosiques
chez les patients immunodéprimés, parasitaires à la suite
d’une bilharziose urogénitale ou bactérienne non spécifique.
Sa survenue après une résection transurétrale de l’adénome
de la prostate ou après biopsie prostatique est possible.
Les prostatites entrant dans le cadre des maladies de
systèmes (granulomateuse de Wegner, vascularité de ChurgStrausse) sont exceptionnelles. Quatre cas de PG survenue
après une vascularité sont rapportés dans la littérature [1].
Lorsque aucune étiologie n’est retrouvée, ces PG sont
dites idiopathiques.
La PG non spécifique reste une affection rare, peu rapportée dans la littérature. Son incidence est estimée à 1,1 % pour
Soler [2], 1,5 % pour Heranz Amo [3], 0,36 % pour Openhaimer [4] et 3,4 % pour Sorencen [5]. Sa survenue après
BCG thérapie pour une tumeur superficielle de la vessie est
variable de 0,9 à 18,1 % [4,6,7].
Sorencen [5] a retrouvé huit cas seulement de prostatite
granulomateuse chez 1059 patients traités par résection endoscopique transurétrale de l’adénome de prostate, soit une
incidence de 0,8 %.
Mbakop [8] a retrouvé 53 cas (0,77 %) chez 6868 patients
qui ont bénéficié d’une biopsie prostatique pour suspicion de
tumeur prostatique. Dans cette série, l’association à une
hyperplasie nodulaire prostatique est retrouvée dans 38 cas
(71,5 %) et à un cancer de la prostate dans 1 seul cas (2 %)
[8].
L’âge moyen de survenue est la 6e décade de la vie (54–
65 ans) [9,10], les signes révélateurs sont les signes d’obstructions cervico-prostatiques et de rétention vésicale chronique ou d’une infection urinaire basse à type de brûlures
mictionnelles, cystite, voire hématurie. Cependant, les signes
cliniques ne revêtent aucun caractère spécifique.
La prostate peut être de taille normale ou augmentée de
volume avec un, deux ou plusieurs nodules prostatiques. Elle
Fig. 1. Granulome épithélio-gigantocellulaire dissociant le parenchyme
prostatique (HE - Grossissement 200).
peut être indurée voire même fixée, ce qui explique qu’elle
peut être confondue avec un cancer de la prostate [9,10].
Les constatations du touché rectale (TR) sont différentes
suivant l’importance des foyers granulomateux et l’association ou non à un adénome prostatique [9,10].
L’examen clinique retrouve au TR une hypertrophie prostatique hétérogène, indurée ou nodulaire posant un diagnostic différentiel clinique avec le cancer de la prostate ou une
hypertrophie d’allure bénigne de la prostate. Le TR a permis
de suspecter le cancer prostatique dans 62 % des cas pour
Osca Garcia [11] et 59 % des cas pour Stillwell [12].
L’examen cyto-bactériologique des urines (ECBU) retrouve une infection urinaire dans 48 % des cas [11], Stillwell
retrouve une infection urinaire dans 71 % des cas [12]. Les
germes les plus fréquemment observés par ordre de fréquence sont : le staphylocoque coagulasse négatif, l’Escherichia coli et l’Enterococcus fecalis [2].
Plusieurs auteurs ont mis en évidence une élévation considérable du taux de PSA avec un ECBU stérile [13]. En effet,
le taux de PSA est variable entre 0,5 et 114 ng ml–1, en
moyenne 12,7 ng ml–1 [4]. Matsumoto [16] retrouve un taux
de PSA moyen de 17,3 ng ml–1. Vespaciani [14] retrouve
dans neuf cas de PG une élévation du taux de PSA entre 4 et
10 ng ml–1 dans deux cas seulement.
Le bilan radiologique retrouve à l’échographie endorectale un nodule prostatique hyperéchogène ou hétérogène
[3,14] ou une hypertrophie homogène ou hétérogène de la
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prostate. Cependant, ni l’échographie endorectale, ni la résonance magnétique transrectal, ni l’échographie Doppler couleur n’ont permis de différencier entre le cancer prostatique
et la prostatite granulomateuse [14,15].
Le diagnostic reste une surprise histologique, soit sur des
carottes de biopsies prostatiques transrectales [10,12,14,
16,17] ou sur des copeaux de résections prostatiques [12,16]
ou sur pièce d’adénomectomie chirurgical [14,16].
Sur le plan histologique, la prostatite granulomateuse se
traduit par un granulome tantôt purement histiocytaire, tantôt tuberculoïde d’aspect folliculaire épithélio-gigantocellulaire sans nécrose caséeuse, Ce granulome remplace ou
dissocie les glandes et les fibres musculaires (Fig. 1). L’évolution se fait vers une sclérose collagène. Ainsi, on trouve
successivement une lipophagie histiocytaire, une métamorphose épithélioïde et de cellules géantes et une sclérose
d’abord périphérique puis centro-nodulaire. La réaction
épithélio-gigantocellulaire apparaît comme secondaire à
l’injection ou la libération de corps lipidiques [9].
Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec le
cancer prostatique surtout à cellules claires, la prostatite
granulomateuse tuberculeuse [10] et les tumeurs fibreuses
solitaires [18].
L’immunohistochimie, quoi que rarement faite, permet de
différencier entre la PG et le cancer prostatique grâce à
l’utilisation de la cytokératine AE1/3, le PSA (antigène prostatique spécifique), le PAP (phosphate acide prostatique), les
lysozymes, l’antimacrophage M et le LCA (leukocyte commun antigen) [19]. En effet, dans la PG, on retrouve une forte
réaction avec les lysozymes et l’antimacrophage M, mais pas
de réactions avec le PAP, le PSA et la cytokératine. Dans le
cancer prostatique, on retrouve une positivité seulement du
PAP, PSA et cytokératine [19].
Il n’existe pas de traitement spécifique à la PG. Le traitement fait appel aux indications thérapeutiques de l’hypertrophie bénigne de la prostate [7,10]. Certains auteurs [20,21]
ont utilisé de l’acétate de Chlormadinone pour le traitement
de ces prostatites granulomateuses non spécifiques.
La plus part des PG ont une résolution spontanée et ne
nécessitent pas de traitement spécifique [12] et leur pronostic
reste excellent [10]. Cependant, Osca Garcia [11] retrouve
dans 19 % des cas une évolution vers un cancer prostatique
après un délai moyen de 5,5 ans, d’où l’intérêt d’une surveillance étroite et prolongée de ces patients.
Références
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4. Conclusion
La prostatite granulomateuse non spécifique est une affection bénigne relativement rare, de diagnostic exclusivement
histologique.
Son traitement repose sur les indications de l’hypertrophie
bénigne de la prostate.
Le risque d’évolution vers un cancer prostatique nécessite
une surveillance étroite.
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