> LES PROJETS DU GRAND PARIS : QUELLES AVANCÉES, QUELS FREINS ? DOSSIER Jean Daubigny Préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris Grand Paris, le temps des réalisations Jean Daubigny, ancien élève de l’ENA, a été directeur du cabinet du préfet de la région Corse, préfet de la Corse-du-Sud, puis sous-préfet de Châtellerault en 1982. Chef de cabinet puis directeur adjoint du cabinet du préfet de Police de Paris en 1986, conseiller technique au cabinet du président de la République en 1988, il est ensuite nommé Préfet du Vaucluse (1991) puis de la Loire (1993). Conseiller maître à la Cour des comptes, il est nommé Délégué interministériel à la ville et au développement social urbain en 1996. Préfet de la Réunion (1998), de la Marne (2001) de la HauteGaronne (2003), il devient en 2006 préfet de la zone de défense Ouest et préfet de région Bretagne puis de la Loire-Atlantique (2009). Directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur en 2012, il est nommé préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en 2012. 6 Le Grand Paris ne date pas d’hier... Ni d’avant-hier d’ailleurs puisqu’on a coutume d’en attribuer la paternité à Napoléon III qui déjà caressait l’idée d’un Grand Paris allant de la forêt de Saint-Germain à l’Ouest, aux plaines fertiles de Marne-la-Vallée à l’Est. Le Grand Paris a pourtant repris une actualité forte en 2010, avec le vote de la loi éponyme. L e Grand Paris connaît aujourd’hui une séquence de développement très forte marquée par la mise en œuvre de nombreux projets, entrés dans une phase opérationnelle mais aussi par la définition de la gouvernance à venir de la métropole. Clé de voûte du grand Paris, le nouveau grand Paris des transports se concrétise sur le terrain, tout comme les contrats de développement territorial qui, après la phase d’expression d’une stratégie territoriale, sont désormais centrés sur la mise en œuvre des projets. Enfin, sur le plan institutionnel, un travail important reste à fournir pour préciser avec les collectivités franciliennes les contours des grands ensembles qui constitueront la région Capitale, en petite couronne avec la préfiguration de la métropole du grand Paris comme en grande couronne avec le schéma régional de coopération intercommunale. LE NOUVEAU GRAND PARIS DES TRANSPORTS SE CONCRÉTISE SUR LE TERRAIN L’Île-de-France est à l’aube d’une période d’investissements sans précédents dans les transports en commun. D’une part, le réseau du Grand Paris Express, avec ses quatre lignes nouvelles (soit 200 km), ses 69 gares, représente un doublement du réseau de métro existant, dont la réalisation s’achèvera en 2030. D’autre part, l’accroissement des investissements dans l’amélioration des transports existants s’intensifie ARNAUD BOUISSOU/MEDDE-MLETR Le renforcement de l’offre de transports en commun contribuera au report modal et à la réduction des nuisances. avec le prolongement de lignes de RER ou de métro, l’aménagement de lignes existantes pour en améliorer la fiabilité et en augmenter la qualité, la création ou le prolongement de lignes de tramway et de bus express. Ces projets représentent un investissement total de 32,5 Mds€ Améliorer les conditions de mobilité en Île-de-France c’est répondre à plusieurs enjeux majeurs. D’abord, c’est améliorer la qualité de vie des franciliens et des voyageurs. C’est aussi un enjeu d’emploi, puisque non seulement la construction du Nouveau Grand Paris générera 15 000 emplois par an durant les travaux mais surtout elle permettra une meilleure efficacité du système francilien qui bénéficiera à tout le tissu économique. C’est un enjeu d’attractivité régionale, et plus généralement de la France, dans la compétition internationale en reliant plus efficacement les principaux pôles économiques et les portes d’entrées sur l’Île-de-France et la France. C’est un enjeu de solidarité, en permettant la desserte de quartiers aujourd’hui enclavés et éloignés des bassins d’emplois. Enfin c’est un enjeu de développement durable et de santé publique : alors que le trafic routier est source de nuisances importantes (dégradation de la qualité de l’air, bruit, accidents...), le renforcement significatif de l’offre de transports en commun contribuera au report modal et à la réduction de ces nuisances. La construction du Nouveau Grand Paris des transports se fait également avec le souci d’offrir des fonctionnalités innovantes aux usages en tirant parti des nouvelles technologies. C’est à ce titre que la Société du Grand Paris a prévu d’équiper les 200 km de nouvelles lignes de métro en fibre optique de grande capacité pour développer des applications de téléphonie mobile, d’internet haut débit et de géolocalisation. Couplé à une politique d’ouverture des données, ce projet numérique bénéficiera aux voyageurs, aux territoires et aux entreprises du Grand Paris, en particulier les PME et start-up. Le Grand Paris aura un effet d’accélération progressive de la croissance régionale et pourrait générer plus de 60 milliards d’euros de recettes publiques par an à l’horizon 2030. Le nombre de créations d’emploi est ainsi évalué à 800 000 d’ici 2030. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Avec un Produit Intérieur Brut de 612 Mds€ en 2012, l’Île-de-France est la première région économique en Europe, devancée uniquement par New York et Tokyo, et a connu une croissance robuste de la valeur ajoutée créée localement (+3,7% par an). Pour autant, c’est également la grande métropole européenne où le taux de croissance de l’emploi a été le plus faible ces dernières années (+0,1% par an). Le dynamisme de l’économie de la métropole parisienne dépendra donc des chantiers majeurs du Grand Paris qui sont lancés (transport, aménagement et institutionnel) mais également de sa capacité à résorber durablement ses difficultés sociales, urbaines et environnementales. Ainsi, l’enjeu est de mieux utiliser les sept pôles de compétitivité franciliens, d’accompagner le développement de projets novateurs (à l’image de la Halle Freyssinet), d’améliorer les liaisons du 7 BERNARD SUARD/MEDDE-MLETR > LES PROJETS DU GRAND PARIS : QUELLES AVANCÉES, QUELS FREINS ? Les CDT représentent environ 30% de l’objectif régional de la territorialisation de l’offre de logements (TOL) qui est de 70 000 logements par an. Grand Paris avec les régions et à l’international, de favoriser l’émergence d’une « marque Grand Paris » visible et facilement identifiable pour les acteurs économiques. Sans évidemment se résumer à cet événement, la candidature du Grand Paris à l’exposition universelle de 2025, projet né des collectivités locales, rejoint par les entreprises et soutenu par l’État, sera un catalyseur pour renforcer le développement économique de la région. LE GRAND PARIS DE L’AMÉNAGEMENT Les Contrats de Développement Territorial (CDT) sont les outils de construction de territoires de projets du Grand Paris et au-delà, puisque certains concernent la grande couronne. Articulés autour du futur 8 réseau de transport, ils constituent des espaces de dialogue et d’élaboration de projets rassemblant les collectivités, l’État et les partenaires concernés sur les territoires. Ce début d’année 2015 est un bon moment pour faire un premier bilan des CDT qui devaient être validés, selon la loi du Grand Paris de juin 2010, avant le 31 décembre 2014. Au total, seize CDT ont été validés sur un total de vingt et un ; ils ont été mis en enquête publique ou sont sur le point de l’être. Chaque CDT correspond à un bassin de vie relativement important d’une cinquantaine de kilomètres carrés et regroupe en moyenne 260.000 habitants. Les CDT reposent sur trois grandes dimensions : le développement économique, l’aménagement urbain, et les mobilités. L’enjeu est de conce- voir une série de projets qui ne cloisonnent pas ces dimensions, comme cela a pu être le cas au cours des années soixante, mais de les traiter de manière transversale. Ainsi, les projets d’aménagement urbain sont conçus en associant de manière très étroite la Société du Grand Paris (SGP) en charge du futur réseau de transport et des gares existantes ou à venir qui constitueront des points névralgiques du Grand Paris. Sur le plan économique, les acteurs de chaque CDT ont cherché à faire apparaître une signature territoriale forte. Ainsi, le CDT qui concerne Plaine Commune devient le territoire de la culture et de la création, le CDT qui rassemble Noisy-le-Grand et Champs-sur-Marne où se situe la Cité Descartes a pour ambition de devenir le terri- toire de référence en matière de ville durable ; chaque territoire s’est efforcé de renforcer son identité et de mettre en valeur ses savoirfaire, en les intégrant dans les projets d’aménagement et de transport. Les CDT sont tout autant des outils de mobilisation de toutes les énergies en faveur de la nécessaire amélioration de l’offre de logement. Dans chaque contrat est négociée la territorialisation de l’offre de logement qui fixe l’effort de construction nécessaire pour les quinze prochaines années, échéance qui correspond généralement à l’horizon du CDT. WILMOTTE-ET-ASSOCIES-SA Au total, les CDT représentent environ 30% de l’objectif régional de la TOL, qui est de 70.000 logements par an. Le rythme de progression de l’offre de logements est logiquement modulée en fonction du calendrier du réseau de transport et des nouvelles dessertes prévues sur chaque territoire. Les premiers comités de pilotage de suivi des CDT ont été l’occasion de voir des territoires où la réalisation de logements durant les premières années parvenait même La Halle Freyssinet. à dépasser les objectifs annoncés. Les décisions récentes du gouvernement facilitent la mobilisation de ces énergies et constituent un véritable plan de mobilisation pour le logement. En premier lieu, une aide aux maires bâtisseurs, destinées à soutenir les collectivités dans leurs constructions d’équipements nécessaires à l’accueil de nouvelles populations profitera notamment au Grand Paris. En second lieu, des territoires à fort potentiel, et recueillant une attention particulière de l’État, sont en cours d’identification (5 ont déjà été annoncés et 15 autres le seront prochainement). Ils pourront intégrer un nouvel outil juridique, l’Opération d’Intérêt National multisites. Enfin, les simplifications des procédures d’aménagement vont permettre d’accélérer la sortie des projets des territoires du Grand Paris. UN NOUVEAU PROJET DE GOUVERNANCE La loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 a introduit dans la dynamique du Grand Paris un nouveau projet de gouvernance. L’article 12 de la loi prévoit en effet la création au 1er janvier 2016 de la Métropole du Grand Paris, un ensemble uniquement rassemblant Paris et la petite couronne, et qui sera composée de territoires d’au moins 300.000 habitants. J’ai la charge de co-présider, avec le président du syndicat mixte Paris Métropole, la mission de préfiguration de cette Métropole. En synergie, les quatre départements de grande couronne restructurent leur intercommunalité en zone d’agglomération en ensembles de 200 000 habitants et plus, notamment dans les grands pôles de développement (Roissy, Saclay...). Les projets en cours sur les territoires, et en particulier les CDT ne sont donc pas à considérer de manière isolée : les CDT ont fait émerger dans la région Capitale une multitude d’alliances métropolitaines locales, de réflexions collectives sur le positionnement stratégique des territoires dans la métropole, de groupes-projets opérationnels qui constituent autant d’atouts pour construire la métropole du Grand Paris et les intercommunalités de grande couronne. La gouvernance de la Métropole leur donnera tout leur sens. Le Grand Paris va connaître dans les années à venir des évolutions aussi majeures et structurantes que celles impulsées par le baron Haussmann e n m a t i è re d ’ u r b a n i s m e p u i s quelques décennies plus tard par Fulgence Bienvenüe en matière de transports. Près d’un siècle et demi plus tard, tout est en place pour poursuivre la construction du Grand Paris de demain, alors que s’ouvre pour tous ces chantiers le temps de la réalisation. 9
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