Maladie de Wilson – Actualités

La Revue de médecine interne 36S (2015) A5–A6
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Synthèse des communications en séance plénière – Maladies de surcharge
Maladie de Wilson – Actualités
F. Woimant a,∗ , A. Poujois a , C. Vanlemmens b
a
b
Centre national de référence de la maladie de Wilson, hôpital Lariboisière, AP–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France
Centre de compétences de la maladie de Wilson, CHU Jean-Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France
Objectifs pédagogiques
• Connaître les nouveaux tests diagnostiques dans la Maladie
de Wilson.
• Connaître les pathologies à évoquer devant un bilan
cuprique anormal.
• Connaître la prise en charge d’une maladie de Wilson.
La maladie de Wilson (MW) est une affection génétique autosomique récessive à l’origine d’une accumulation tissulaire de cuivre
dans de nombreux organes. Cette maladie rare a un bon pronostic
si le traitement est initié précocement et poursuivi à vie.
Le gène Wilson, localisé sur le chromosome 13, code une ATPase,
protéine intracellulaire transporteuse du cuivre : l’ATP7B. Cette
protéine permet l’excrétion cellulaire du cuivre excédentaire. Au
cours de la MW, le déficit fonctionnel en ATP7B entraîne un excès
de cuivre hépatique non lié à l’apocéruloplasmine qui est ensuite
libéré sous forme libre dans la circulation sanguine ainsi qu’un
défaut d’élimination du cuivre dans la bile. Ainsi, la MW est initialement une affection hépatique. Non diagnostiquée à ce stade,
elle évolue vers une affection multisystémique, avec une accumulation de cuivre dans de nombreux organes dont le cerveau, l’œil,
le rein, etc.
La prévalence de la MW a probablement été sous-estimée
jusqu’à présent. On l’estimait à 1/30 000 avec un portage hétérozygote de 1/90, or une étude récente suggère qu’une personne
sur 40 serait hétérozygote pour le gène ATP7B [1]. La pénétrance du gène est probablement incomplète et la maladie
sous-diagnostiquée, en particulier dans les formes à révélation tardive pouvant concerner des personnes de plus de 70 ans.
Les premiers symptômes sont le plus souvent hépatiques chez
l’enfant et neurologiques chez l’adulte. Le diagnostic est porté sur
un faisceau d’arguments cliniques (dont la recherche de l’anneau
de Kayser-Fleischer), biologiques, radiologiques (imagerie par résonance magnétique cérébrale), voire histologiques.
L’interprétation du bilan cuprique, associant typiquement une
diminution de la céruloplasminémie et de la cuprémie avec une
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : france.woimant@lrb.aphp.fr (F. Woimant).
0248-8663/$ – see front matter
http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2015.03.017
augmentation de la cuprurie, peut parfois être difficile. Physiologiquement, le cuivre sérique est fixé à 92 % à la céruloplasmine. La
cuprémie totale inclut la mesure du cuivre sérique non lié (ou libre)
et du cuivre lié à la céruloplasmine (90 % environ). Dans la MW, il est
important de connaître la part du cuivre libre qui est potentiellement toxique et donc de calculer le rapport cuivre libre/cuivre total
sérique. Le taux de cuivre libre obtenu par le calcul de la différence
entre le cuivre total et le cuivre fixé à la céruloplasmine a été utilisé.
Toutefois, aux faibles concentrations dosées, ce calcul rend souvent un chiffre négatif (théoriquement impossible) ce, en raison du
manque d’exactitude des méthodes de dosage utilisées. Une grande
avancée a été faite avec le dosage du cuivre échangeable, reflet
du cuivre toxique, qui a été mis en place par l’équipe de l’hôpital
Lariboisière. Le rapport cuivre échangeable/cuivre sérique total (ou
REC) se révèle en effet être un excellent marqueur diagnostic, les
patients atteints de MW ayant un taux supérieur à 18,5 %. Dans le
cas du screening familial, le REC est aussi d’une grande utilité, permettant de différencier les porteurs hétérozygotes des sujets sains
[2].
Plus de 500 mutations et 100 polymorphismes ont été documentés chez les patients atteints de MW. La plupart des patients
sont des hétérozygotes composites. La recherche de mutations par
séquenc¸age de l’intégralité de la séquence codante et des jonctions
intron-exon du gène permet de confirmer le diagnostic de MW dans
plus de 90 % des cas. De nouveaux variants sont mis en évidence,
dont la pathogénicité doit être démontrée. L’absence de corrélation phénotype/génotype, la grande hétérogénéité clinique et la
pénétrance variable laissent penser qu’il existe des gènes modificateurs comme l’allèle de l’APOE ␧4, ou les polymorphismes du gène
de la méthylènetétrahydrofolate (MTHF) réductase qui pourraient
influer sur l’âge de début de la maladie.
D’autres pathologies en dehors de la MW peuvent être évoquées
devant un bilan cuprique anormal : carence en cuivre ou d’autres
maladies génétiques qui restent cependant exceptionnelles : mutations sur le gène de la céruloplasmine (acéruloplasminémie
ou portage hétérozygote), mutations affectant une autre cuproATPase, l’ATP7A (maladie de Menkes, syndrome des cornes
occipitales, syndrome de Huppke-Brendl, syndrome MEDNIK).
D’autre part, une affection génétique de découverte récente portant sur le transporteur du manganèse, a un phénotype clinique
proche de la maladie de Wilson. Les mutations du gène SLC30A10
se traduisent par une cirrhose, une atteinte des ganglions de la
base dès l’enfance ou l’adolescence avec dystonie généralisée ou
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F. Woimant et al. / La Revue de médecine interne 36S (2015) A5–A6
syndrome parkinsonien asymétrique associée à une instabilité posturale précoce. La biologie montre typiquement une polycythémie,
une hypoferritinémie avec une hypermanganésémie et l’IRM encéphalique des hypersignaux sur les séquences pondérées en T1 des
ganglions de la base et du cervelet.
Le traitement de la maladie de Wilson associe régime pauvre
en cuivre, chélateurs du cuivre (D-pénicillamine et Trientine) ou
sels de zinc [3]. La transplantation hépatique est le traitement des
formes hépatiques fulminantes et des cirrhoses décompensées [4].
La principale difficulté de la prise en charge d’un patient
ayant une MW avec symptômes neuropsychiatriques est le risque
d’aggravation initiale sous traitement ce d’autant que cette aggravation n’est pas toujours réversible. Le mécanisme de cette
aggravation n’est pas parfaitement élucidé ; il pourrait s’agir d’une
mobilisation trop rapide et trop importante du cuivre hépatique
vers le plasma avec une redistribution préférentielle du cuivre vers
le système nerveux.
Les facteurs prédisposant à cette aggravation restent discutés.
Plusieurs faits sont notables :
• sur le plan clinique, les patients peu ou mal observant qui
s’aggravent sur le plan neurologique après un arrêt de traitement
sont plus à risque de devenir résistant à celui-ci lors de sa reprise ;
• sur le plan biologique, un taux de cuivre échangeable très élevé
au diagnostic, témoignant de l’importance de l’atteinte extrahépatique de la maladie pourrait être associé à une aggravation
neurologique initiale sous traitement ;
• sur le plan anatomique, classiquement les lésions cérébrales dans
la MW sont situées dans les ganglions de la base, le mésencéphale
et les noyaux dentelés du cervelet. Sont également décrites des
lésions corticales qui semblent être associées à des états de mal
épileptique le plus souvent partiels mais pharmaco-résistants et
des formes sévères de la maladie ;
• sur le plan génétique, il n’a pas été décrit des génotypes associés
à une résistance aux traitements médicamenteux.
Quelles sont les pistes thérapeutiques pour ces patients ?
• Le risque d’aggravation neurologique initiale pourrait être
moindre avec le tétrathiomolybdate qui réduit l’absorption intestinale du cuivre et qui forme dans le sang un complexe avec le
cuivre et l’albumine, complexe éliminé dans la bile. Des études
internationales sont en projet pour évaluer ce traitement dans
les formes neurologiques.
• Les résultats de la transplantation hépatique dans les formes neurologiques, sans décompensation hépatique sont très variables.
Le moment de la transplantation est certainement fondamentale : ni trop tôt (l’aggravation initiale pouvant être transitoire),
ni trop tard (du fait du risque de complications infectieuses
et cutanées chez des patients confinés au lit et présentant des
troubles de la déglutition). Ceci montre toute l’importance
de disposer de facteurs pronostiques dans ces formes
neurologiques.
• Sur le plan symptomatique, dans les formes neurologiques
sévères avec des dystonies invalidantes entraînant une perte
d’autonomie, l’efficacité d’une stimulation cérébrale profonde est
à l’étude, dans le cadre d’un PHRC national.
La surveillance régulière des patients atteints de maladie de Wilson est importante pour s’assurer de l’observance du traitement,
pour diagnostiquer les carcinomes hépatocellulaires compliquant
les cirrhoses et dépister les complications liées au traitement.
Celles-ci concernent essentiellement la D-pénicillamine ; elles
peuvent être précoces comme les réactions allergiques, apparaître
après plusieurs mois de traitement comme les glomérulopathies
ou les complications immunologiques, ou après plusieurs années
comme les élastopathies. Sans oublier les carences en cuivre
qui surviennent après de nombreuses années de traitement ; ces
carences se manifestent par une leucopénie, souvent associée à une
anémie, puis par une myélo-neuropathie.
Ce suivi est facilité par la structuration de la « filière ‘Maladie
de Wilson’ » autour des centres de référence et de compétences
« Maladie de Wilson », en lien avec l’association d’usagers. Cette
filière a renforcé les collaborations entre professionnels permettant
de prendre en charge les patients au sein d’un parcours de santé
et de mener des travaux de recherche internationaux. Le centre
se développe actuellement pour améliorer la prise en charge des
patients présentant d’autres pathologies héréditaires ou acquises
liées au cuivre ou à d’autres métaux lourds [5].
Références
[1] Bandmann O, Weiss KH, Kaler SG. Wilson’s disease and other neurological copper
disorders. Lancet Neurol 2015;14:103–13.
[2] Trocello JM, El Balkhi S, Woimant F, Girardot-Tinant N, Chappuis P, Lloyd C, et al.
Relative exchangeable copper: a promising tool for family screening in Wilson
disease. Mov Disord 2014;29:558–62.
[3] Weiss KH, Stremmel W. Clinical considerations for an effective medical therapy
in Wilson’s disease. Ann N Y Acad Sci 2014;1315:81–5.
[4] Guillaud O, Dumortier J, Sobesky R, Debray D, Wolf P, Vanlemmens C, et al. Long
term results of liver transplantation for Wilson’s disease: experience in France.
J Hepatol 2014;60:579–89.
[5] Woimant F, Trocello JM. Disorders of heavy metals. Handb Clin Neurol 2014;120:
851–64.