Symposium concernant la réalisation d’un atlas numérique des littératures policières en Europe. Symposium : Towards a Digital Atlas of European Crime Fiction ? (British Library Conference Centre, April 10, 2015) avril 2015 Dans le cadre de son partenariat avec le groupe de recherche sur la littérature policière internationale, mené par Dominique Jeannerod de la Queen’s university de Belfast, et l’association internationale des chercheurs en Littératures Populaires et Culture Médiatique, présidée par Jacques Migozzi, de l’Université de Limoges, la BILIPO était invitée au symposium établissant le bilan d’une année de recherches, financées par l’AHRC dans le cadre du programme Digital transformations in the Arts & Humanities et avec le soutien de l’Institute for Collaborative Research de l’Université de Belfast et de son thème annuel pour 2014-2015 : Creativity in imagined and material worlds. C’était l’occasion de voir concrètement l’usage fait par tous ces chercheurs des données transmises par la BILIPO, le bilan d’une année de travail en commun. Le symposium était organisé au sein de la British Library, partenaire du projet. Suivant l’introduction, plutôt développée de Dominique Jeannerod, retraçant la généalogie du projet, ses bases théoriques et sa démarche expérimentale ainsi que les différents types de visualisations que ce projet a produit, le premier exposé (“European Crime Fiction : A Big Data Story”), également par Dominique Jeannerod, chef du projet, a permis de cadrer tous ce travail autour des « big data » : alors que la masse des documents concernés a disparu, comment pouvoir exploiter ces mines de données que sont les catalogues des bibliothèques, de manière à étudier les évolutions sur une échelle spatiale et temporelle aussi vaste ? Le travail d’archivage des bibliothèques est, en ce sens, indispensable aux chercheurs pour, une fois les informations contenues survolées, déterminer un corpus de données dans lequel exploiter une veine particulière. C’est là où la cohérence du catalogue de la BILIPO prend tout son intérêt : il est entièrement dédié à un corpus bien spécifique. Dominique Jeannerod a développé son exposé en s’appuyant sur le travail de Franco 2 Moretti (The Atlas of the European Novel (1998)) et, en tant que spécialiste de Frédéric Dard, a signalé, à titre d’exemple, la dissémination de son œuvre à travers le monde et les enjeux méthodologiques et collaboratifs représentés par le traitement et la centralisation des informations sur les traductions des œuvres de cet écrivain et d’autres auteurs. Il a ensuite proposé d’utiliser la catégorie de la collection éditoriale comme la plus pertinente pour appréhender les phénomènes de circulation internationale, d’imitation et de canonisation des fictions policières. Pour faire suite à l’intervention de Dominique Jeannerod, Federico Pagello, son collègue de la Queen’s university de Belfast et participant au projet a décrit l’important travail de Datacleaning effectué (“Metadata, Cover Art & Data Viz: Creating an Online Archive of European Crime Fiction”). En effet, les extractions du catalogue de la BILIPO, inévitablement marqué par les différentes strates de catalogages liées à l’histoire du catalogue, lui ont demandé un important travail de nettoyage. Néanmoins, cela lui a permis d’obtenir des données statistiquement exploitables et qui seront, à terme, disponibles pour les chercheurs et les curieux sur le site du projet. Rappelons que la Ville de Paris est tout à fait ouverte au concept d’Open data. On notera qu’en plus d’une analyse très fine des données de la BILIPO, les visualisations très impressionnantes présentées pour la première fois dans cet exposé confortent des évidences pressenties : la galaxie Georges Simenon trône au centre du paysage littéraire français. Loïc Artiaga, de l’Université de Limoges, a clôt cette première moitié de matinée en détaillant spécifiquement sa propre veine de recherche (“Scale of Crime. Working on Crime Fiction with Small, Medium and Big Data”). Cela permettait, sur un domaine précis, de bien comprendre ce que peut apporter une recherche avec un corpus de données déterminé. En l’occurrence, cela portait sur les ouvrages traitant de meurtre, présents dans le catalogue de la British Library ou de la Bibliothèque Nationale de France, sur une période allant du milieu du XIXe à la Première Guerre Mondiale. Il 3 est stupéfiant de constater qu’avec l’émergence des détectives dans la fiction, sur ce corpus étudié et cette période, au fur et à mesure que se développaient les littératures policières, les ouvrages traitant d’affaires au crime impuni disparaissaient. Plus il y avait de détectives (dans la fiction), plus le crime était battu en brèche. La seconde partie de la matinée, déjà en retard sur l’horaire du fait du développement des (passionnants) précédents exposés, était consacrée à trois interventions plus ciblées sur leur corpus et donc plus brèves, concernant aussi l’exploitation du Big data dans la recherche littéraire. Natacha Levet, de l’Université de Limoges, dans son exposé (“International Crime Fiction in France: From ‘La Série Noire’ to ‘Actes Noir'”), s’est intéressée à trois collections précises, la Série Noire, Rivages Noir, puis Actes Noir, leur apparition dans le temps et leur répartition dans le monde, en indiquant quelles données faisaient les spécificités de ces collections, et vraisemblablement les raisons de leur succès. Sandor Kalai, de l’université de Debrecen (Hongrie) abordait un domaine moins connu des chercheurs d’Europe de l’Ouest (“The Hungarian Translation of Crime Fiction Novels under Socialism: Analysis of Two Specialised Series”). L’exploitation des données recueillies lui a permis de déterminer les auteurs les plus traduits et les plus populaires, sur deux collections particulières, mais aussi la place de la publication nationale dans les littératures policières hongroises. Andrew Pepper, de la Queen’s University de Belfast, revenait directement sur le travail effectué par les bibliothécaires de la Ville de Paris et de la BILIPO (“Quantifying the Internationalization of Crime Fiction: Les Crimes De L’Annee (1989-2004) and the Significance of Place”). Grâce aux données fournies sur la revue bibliographique des Crimes de l’Année, il a pu modéliser et schématiser les genres littéraires majoritaires au 4 sein des sélections (comme le roman noir), et détailler la finesse des index tout en relevant ainsi les éléments prépondérants, en replaçant l’étude dans son contexte (avant l’émergence des romans scandinaves). Pour la BILIPO, il était très intéressant de voir l’intérêt, mais aussi les questionnements, suscités par l’étude des données fournies. Après le déjeuner, tardif mais roboratif, il était temps de reprendre. Le Dr. Ellen Carter, de l’Université Paris 1, a fait part de son étude spécifique concernant la Nouvelle-Zélande (“Killing by numbers: quantitative methods in crime fiction research”). Elle a démontré, avec cette étude statistique, l’évolution de la littérature policière prenant ce pays pour cadre en fonction, petit à petit, de la visite, voire de l’implantation, des auteurs dans ce pays. En résumé, si au début du siècle on écrivait des histoires dans ce pays sans n’y avoir jamais mis les pieds, la réalité est bien plus complexe de nos jours, mais la part des auteurs natifs de l’Ile est encore trop faible. Andrea Hynynen, de l’Université de Turku (Finlande), s’est penchée sur le féminisme et la littérature policière ( “Gender studies and crime fiction – pros and cons of quantitative methods”), étudiant le pourcentage d’auteurs féminins et son évolution dans les littératures policières, confirmant une très nette modification en ce domaine. Le Dr. Katharina Hall, de l’Université de Swansea (Pays de Galles), a développé son travail sur cet aspect propre à Internet, les blogs, et notamment le sien (“Research, Dissemination, Impact: German Crime Fiction and the ‘Mrs. Peabody Investigates’ Blog”). Blog que nous vous invitons à visiter : https://mrspeabodyinvestigates.wordpress.com/ 5 La BILIPO était représentée en la personne de Samuel Schwiegelhofer. L’intervention visait à présenter l’établissement et mieux répondre aux questionnements des chercheurs (“All the World of Crime Fiction’s Memory: the Catalogue of the BILIPO”). Il s’agissait en premier lieu de rappeler les missions de la BILIPO et les différentes étapes sur la constitution puis l’évolution du catalogue. En second lieu, un point important était nécessaire sur les Crimes de l’année et leurs prédécesseurs, les Crimes du trimestre. Il fallait rappeler que leurs usagers premiers étaient les bibliothécaires, et derrière eux les lecteurs. Mais il était bénéfique de comparer les attentes et les usages des chercheurs. Enfin, une conclusion était apportée sur les conséquences négatives de la réforme du dépôt légal voulue, sans contrepartie, par la Bibliothèque nationale de France. Les collègues de la British library ont été fort surpris de cette décision et les chercheurs l’ont unanimement déplorée, rappelant combien, en limitant une ressource aussi importante, elle est dommageable au rayonnement de la culture française dans le monde. Enfin, le Dr. Marcela Poučová de l’Université Masaryk (à Brno, en république Tchèque) présentait son étude (book-covers and the legitimation of the detective genre in Czechoslovakia (19601980) – the example of the Smaragd Series). Il s’agissait d’un dépouillement minutieux sur l’iconographie des jaquettes de romans policiers tchèques, et les différentes façons de satisfaire aux exigences politiques du régime alors en place tout en les contournant. Après un petit break, il était temps de conclure avec brio cette journée particulièrement riche. Ian Samson, auteur, enseignant en littérature comparée à l’Université de Warwick (Angleterre), a présenté, non sans un humour que l’on osera qualifier de britannique, un exposé extrêmement dynamique et riche en références culturelles de tous bords (cinéma, philosophie, etc.). Il a expliqué combien un individu, par sa passion des archives (« Crime Fiction: Archive 6 Fever ») faisait de l’exploitation de Big data sans le savoir. Ian Samson propose une réflexion sur la nécessaire distance qu’il faut avoir pour s’approprier des données sans savoir encore ce qu’elles apporteront, comme un auteur doit songer à un ouvrage, sans connaître à l’avance ce qu’il publiera vraiment. En fin de journée, une table ronde présidée par le Professeur Jacques Migozzi, de l’Université de Limoges et président de l’association LPCM, dressait le bilan de ce premier travail, mettant en perspective les acquis, les difficultés rencontrées, et les pistes de réflexions et développement à venir. Après, tout est une question de temps ! Plusieurs fructueuses pistes de collaborations futures étaient indiquées par Nial Wilson, de la British Library, Federico Pagello et Dominique Jeannerod soulignant combien ce partenariat entre British Library, BILIPO, LPCM et International Crime Fiction Research Group est stratégique, en termes de synergies et de complémentarités. Des projets concrets de collaboration entre ces acteurs et des dépôts conjoints de dossiers de financement devront résulter à brève échéance de cette journée. 7 Liens : Groupe de recherche sur la littérature policière internationale : http://internationalcrimefiction.org/category/data-visualisation/ Littératures Populaires et Culture Médiatique : http://lpcm.hypotheses.org/ Digital transformations in the Arts & Humanities : http://www.ahrc.ac.uk/Funding-Opportunities/Researchfunding/Themes/Digital-Transformations/Pages/DigitalTransformations.aspx Creativity in imagined and material worlds : http://www.qub.ac.uk/researchcentres/InstituteforCollaborativeResearchintheHumanities/AboutU s/AnnualPriorityResearchTheme/ Birtish Library : http://www.bl.uk/ Bibliothèque des littératures policières : http://equipement.paris.fr/bibliotheque-des-litteraturespolicieres-bilipo-2879 Mrs. Peabody Investigates’ Blog : https://mrspeabodyinvestigates.wordpress.com/ Crédits couverture : Internationalcrimefiction.org / Bilipo bibliothèque des littératures policières 48-50, rue du Cardinal Lemoine 75 005 Paris 8 Tél : 01 42 34 93 00 bilipo@paris.fr
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